mardi, mars 08, 2016

Le féminisme (et moi)

En 1994, j'ai migré vers Sherbrooke, pour étudier. Soyons honnêtes, je précédais mon amoureux pour mieux le suivre. N'empêche que je me suis installée dans cette ville et y ai vécu une dizaine d'années. Des années intenses dans mon développement tout personnel, parce que j'y ai passé la plus grande partie de ma vingtaine. Et qu'on le veuille ou non, c'est très exactement la période durant laquelle on défini l'adulte que l'on devient.

J'y ai fait la connaissance de plusieurs femmes dont une dont les idées féministes n'étaient pas exactement les miennes. Combien de fois nous sommes nous querellées sur la sémantique du terme? Je ne saurais le dire. Beaucoup trop en tout cas pour que j'en ai gardé le compte. Elle me piquait parce que j'étais hétérosexuelle et que je cherchais à plaire aux hommes, ce qui, à ses yeux, était à l'antithèse du terme féminisme. Personnellement, je voyais une différence majeure entre vouloir plaire aux hommes, du moins à certains, et me plier à tous les diktats qu'ils auraient pu vouloir imposer, à moi ou à d'autres.

Je n'ai rien contre l'homosexualité, mais je ne le suis pas. Je n'ai aucune espèce d'attirance sexuelle pour les femmes, je suis ainsi faite. Est-ce pour autant une raison de me dire que je ne suis pas féministe, que je n'ai pas le droit de me réclamer de ce mouvement? Je ne le croyais pas à l'époque, et aujourd'hui pas davantage. Si ces prises de becs ne nous ont pas fait changer d'idée sur la définition que nous attribuions l'une et l'autre à ce mot, elles m'auront permis d'apprendre à défendre mes positions et que les nuances sont des zones qui sont, en effet, aléatoires mais dans lesquelles je trouve un certain confort.

Vers la fin de mon séjour sherbrookois, j'ai fais la connaissance d'une femme qui refusait tout aussi vertement de porter l'épithète. À ses yeux, être féministe rimait une lutte à finir contre les hommes tous azimut. Je ne comprenais pas son point de vue, surtout que, comme moi, elle était historienne et comme moi, elle avait pu constater au cours de nos études, que l'Histoire avait largement été écrite pour et par les hommes. Selon elle, cependant, nous avions fini les luttes, du moins au Québec, et que d'essayer de pousser plus loin relevait de la vindicte de bas étage.

Si je ne l'ai pas convaincue de la justesse de mon point de vue, elle était cependant ouverte à mes arguments et avait fini par me dire qu'elle ne partageait toujours pas ma façon de voir les choses, mais qu'elle respectait ma pensée.

Depuis, j'ai rencontré pléthore de filles qui partageaient sont point de vue; des filles qui ont peur d'être honnies parce qu'elle s'affichent comme féministes, des filles qui croient que plus rien n'est à gagner puisque nous avons obtenu le droit de voter.

Selon moi par contre, il reste beaucoup à faire. Ne serait-ce que par arrêter de genrer les jouets et les livres pour enfants. Ne serait-ce que par laisser plus d'espace aux hommes dans les domaines traditionnellement féminins.

Parce qu'il y a de cela dans l'égalité, il ne faudrait surtout pas l'oublier.

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