Le féminisme (et moi)
En 1994, j'ai migré vers
Sherbrooke, pour étudier. Soyons honnêtes, je précédais mon
amoureux pour mieux le suivre. N'empêche que je me suis installée
dans cette ville et y ai vécu une dizaine d'années. Des années
intenses dans mon développement tout personnel, parce que j'y ai
passé la plus grande partie de ma vingtaine. Et qu'on le veuille ou
non, c'est très exactement la période durant laquelle on défini
l'adulte que l'on devient.
J'y ai fait la
connaissance de plusieurs femmes dont une dont les idées féministes
n'étaient pas exactement les miennes. Combien de fois nous sommes
nous querellées sur la sémantique du terme? Je ne saurais le dire.
Beaucoup trop en tout cas pour que j'en ai gardé le compte. Elle me
piquait parce que j'étais hétérosexuelle et que je cherchais à
plaire aux hommes, ce qui, à ses yeux, était à l'antithèse du
terme féminisme. Personnellement, je voyais une différence majeure
entre vouloir plaire aux hommes, du moins à certains, et me plier à
tous les diktats qu'ils auraient pu vouloir imposer, à moi ou à
d'autres.
Je n'ai rien contre
l'homosexualité, mais je ne le suis pas. Je n'ai aucune espèce
d'attirance sexuelle pour les femmes, je suis ainsi faite. Est-ce
pour autant une raison de me dire que je ne suis pas féministe, que
je n'ai pas le droit de me réclamer de ce mouvement? Je ne le
croyais pas à l'époque, et aujourd'hui pas davantage. Si ces prises
de becs ne nous ont pas fait changer d'idée sur la définition que
nous attribuions l'une et l'autre à ce mot, elles m'auront permis
d'apprendre à défendre mes positions et que les nuances sont des
zones qui sont, en effet, aléatoires mais dans lesquelles je trouve
un certain confort.
Vers la fin de mon séjour
sherbrookois, j'ai fais la connaissance d'une femme qui refusait tout
aussi vertement de porter l'épithète. À ses yeux, être féministe
rimait une lutte à finir contre les hommes tous azimut. Je ne
comprenais pas son point de vue, surtout que, comme moi, elle était
historienne et comme moi, elle avait pu constater au cours de nos
études, que l'Histoire avait largement été écrite pour et par les
hommes. Selon elle, cependant, nous avions fini les luttes, du moins
au Québec, et que d'essayer de pousser plus loin relevait de la
vindicte de bas étage.
Si je ne l'ai pas
convaincue de la justesse de mon point de vue, elle était cependant
ouverte à mes arguments et avait fini par me dire qu'elle ne
partageait toujours pas ma façon de voir les choses, mais qu'elle
respectait ma pensée.
Depuis, j'ai rencontré
pléthore de filles qui partageaient sont point de vue; des filles
qui ont peur d'être honnies parce qu'elle s'affichent comme
féministes, des filles qui croient que plus rien n'est à gagner
puisque nous avons obtenu le droit de voter.
Selon moi par contre, il
reste beaucoup à faire. Ne serait-ce que par arrêter de genrer les
jouets et les livres pour enfants. Ne serait-ce que par laisser plus
d'espace aux hommes dans les domaines traditionnellement féminins.
Parce qu'il y a de cela
dans l'égalité, il ne faudrait surtout pas l'oublier.
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