samedi, février 13, 2016

Princesse, mon amie

Je l'avais rencontrée un an plus tôt. Mais ça faisait déjà quelques mois que nous entendions parler l'une de l'autre. Son père et moi avions récemment renoué une amitié qui s'était perdue dans le brouillard des communications qui s'étiolent. Par conséquent, elle connaissait mon nom avant de voir mon visage pour la première fois.

Ce soir-là, je n'avais aucune espèce de chance, puisqu'il y avait des enfants ce qui était forcément plus intéressant qu'une madame inconnue. Malgré les efforts que j'avais fait pour faire sa connaissance, elle m'avait superbement ignorée si ce n'était un timide « bonsoir » murmuré de l'arrière des jupes maternelles.

En décembre dernier, cependant, nous étions nettement moins nombreux et les invités étaient exclusivement adultes. Et puis, elle était passé quelquefois à la librairie avec son papa, donc une petite brèche était ouverte.

J'aime les enfants, c'est une vérité de La Palice. Alors si j'ai une occasion, aussi minime soit-elle, de me faire une amie d'un âge préscolaire, c'est clair que je vais sauter dessus. La jeune demoiselle s'était faite belle, pour ce repas d'avant Noël, elle avait un joli papillon dessiné sur le visage et une jupe qui tourne. J'avais illico reconnu la princesse. Je lui avait donc, innocemment, posé la question, à savoir si elle était une princesse. Et elle m'avait répondu : « Ben oui », du ton de l'évidence crasse.

Comme la reine des neige était particulièrement à la mode, j'avais tôt fait de supposer qu'elle était ladite reine de neiges, mais pour la faire marcher, je lui avait demandé si elle était Anna. J'avais alors eu droit à un « Ben non » sur un ton qui laissait croire que j'étais vraiment à côté de la plaque. J'avais joué la surprise : « Ah non? Tu ne veux pas être Anna? Tu préfères être Elsa? Moi je la trouve super Anna, elle est courageuse tout du long... » Et la petite m'avait répondu catégoriquement « Ben non, elle ne fait même pas de magie ». Tout était donc dit.

Mais mon petit plan avait admirablement fonctionné, j'avais montré mes connaissances étendues dans les sujets importants et je pouvais lui parler de toutes sortes d'autres princesses et de livres que je connaissais bien parce que c'est mon métier, entre autres, de connaître les livres pour enfants.

Au souper, la petite m'avait gentiment dressé une place à côté de la sienne (mes ustensiles étaient particulièrement bien cachés dans un morceau d'essuie-tout tout déchiré qui devait, censément, faire office de serviette de table), avec un beau verre en plastique pour boire du lait avec le dessert, avais-je appris.

Le verre de lait avait fini sur mes vêtements, après un éclat de grandiloquence qui manquait peut-être un peu de contrôle dans l'usage des bras.

Arrivée chez-moi je sentais un peu le caillé, mais je trouvais que c'était un bien faible tribut à payer pour m'être fait une nouvelle amie.

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