dimanche, février 21, 2016

Les grandeurs et les travers de l'ordinaire

C'était dans une ancienne église, toute petite et bondée. Au dehors, février se rappelait à nos bons souvenirs en laissant tomber des flocons de paysage de carte-postale. À l'intérieur, on aurait pu se croire à une assemblée dominicale d'une autre époque, tellement tout le monde, sauf Fred et moi, avait l'air de faire partie du décors habituel de cette salle. La moyenne d'âge dépassait largement les nôtres et la foule nous donnait l'impression qu'elle était rassemblée non pas tant parce que l'artiste était celle qu'on voulait voir, mais bien que c'était l'activité à faire un vendredi soir dans cette petite ville de banlieue. Ce qui ne l'empêchait pas d'être attentive et charmée par le spectacle qui se déployait devant nos yeux. Par contre, je crois bien que j'étais la seule à fredonner tout bas les parole en même temps que la chanteuse.

À son premier pas sur scène, tout le public a constaté qu'elle était enceinte. Pleinement et sereinement enceinte. Juste ça, c'était beau à voir. Mais, l'hiver avait réclamé son dû à la jeune dame qui avait une voix quelques tons plus bas que ce que j'avais l'habitude d'entendre sur les disques que j'écoute régulièrement. Malgré cet handicap, elle est allée jusqu'au bout de sa prestation, même si elle nous avait avoué avoir tronqué de quelque pièces ce qu'elle avait prévu au départ parce que justement, elle n'était pas du tout convaincue que sa voix lui permettrait de se rendre à la dernière note.

Ça faisait des années que je la connaissais de nom. J'avais entendu de ses chansons à la radio et je savais que ça me plaisait, mais je ne possédais aucun de ses album avant tard dans 2015. Et puis mes oreilles se sont laissées happées par son piano, un jour d'été au travail. Il y avait quelque chose dans la suite de notes dans l'introduction d'une pièce qui me faisait presque mal. Alors je me suis mise à l'écouter. Comme je fais rarement les choses à moitié, j'avais parcouru son désert des solitudes jusqu'à plus soif. Et je m'étais jetée sur l'album suivant comme une louve affamée. Sans déception aucune. Cette maison du monde répondait entièrement à me attentes en termes de musique, mais surtout en termes poétiques.

Dans la vielle église, une femme s'affirmait. Dans toute la complexité de la dualité de ses rôles d'amante, de mère et de musicienne. Chaque mot portant sa propre émotion, bien appuyée par les les mélodies. D'une main délicate, ou d'un balancement d'épaule improbable, elle dégageait à la fois force et fragilité. Moi je la regardais, envieuse de ces bonheurs qu'elle nous partageait sans réserve. Je me suis prise à penser que je ne l'aurais jamais qualifiée de plus belle femme du monde, mais elle était sans conteste, la femme la plus séduisante que j'ai jamais vue en spectacle.

Elle s'appelle Catherine Major. Son œuvre est une orfèvrerie de mots et de mélodies qui se répondent les uns aux autres avec justesse et vérité.

Mais surtout, elle est une femme qui parle des femmes, dans leurs grandeurs et leurs travers ordinaires. Ce qui en fait quelqu'un de bien extraordinaire, au final.

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