Poulet à monter
Depuis que je suis
totalement immergée en section jeunesse, il me semble que ça prend
un petit grain de folie pour y travailler à temps complet. En fait,
je crois que les personnes qui choisissent d'y oeuvrer ont une
imagination passablement débordante. Ne serait-ce que pour tenter
d'atteindre la vitesse des connections synaptiques du public auquel
nous faisons face quotidiennement, parce qu'il m'apparaît évident,
à ce chapitre que les enfants, particulièrement ceux d'âge
préscolaire, ont beaucoup à apprendre aux adultes qui les
entourent.
Ils s'émerveillent d'un
rien et sont complètement fascinés par les sujets qui les
intéressent. Combien de fois aie-je vu un petit 2 ou 3 ans me
montrer fièrement sa prochaine acquisition, mettons, Le grand
voyage de Monsieur Caca, un
classique, tout heureux à l'idée d'apprendre, enfin, comment ça se
passe dans son corps. Si parfois, les parents sont un tantinet gênés
par cette exubérance infantile, les libraires jeunesse, eux, n'y
voient rien de mal.
En
réalité, ils tendent à ce placer à cette hauteur, à force de
volonté. Parce qu'il n'est pas si facile, une fois l'âge de raison
largement dépassé, de se replonger dans l'éblouissement de tout ce
qui meuble la vie de tous les jours. Ainsi, je vois régulièrement
les libraires jeunesse fredonner en refaisant un alphabet ou encore
en zieutant les nouveautés afin de mieux pouvoir les conseiller.
Mais
il y a aussi ces petits travers qui les caractérisent, en débutant
par une capacité inéluctable à se chausser leurs lunettes du
merveilleux quelle que soit la circonstance. Et à s'amuser de leurs
méprises en les annonçant tout haut. Ainsi j'ai entendu une version
plutôt imagée de la chanson des Beatles Ticket to ride qui
allait comme suit: « She's got a chiken to ride, and she
don't care » exprimé bien fort entre deux rires à toutes
les fois où le refrain revenait, au grand plaisir des enfants qui
comprenaient très bien l'erreur et lui disaient : « madame,
tu te trompes! »
Il
nous arrive souvent de na pas bien comprendre ce que veulent les
clients surtout quand ce sont les enfants qui font les choix. Les
descriptions sont souvent absurdes d'un conte nous donnent beaucoup
de fil à retordre du genre : « madame moi je cherche
l'histoire des bottes de pas la bonne personne ». Oui bon...
Nous avons beau avoir une belle culture des albums que nous tenons,
ça prend souvent plus qu'une tête pour finir par retrouver le livre
en question.
En
bref, il me semble que je replonge tous les jours dans l'enfance de
l'art. L'art d'être heureuse au quotidien en portant une attention
précise aux détails qui jalonnent mon parcours.
Et ça
me fait un bien fou.
Libellés : Digressions