dimanche, mars 13, 2016

Poulet à monter

Depuis que je suis totalement immergée en section jeunesse, il me semble que ça prend un petit grain de folie pour y travailler à temps complet. En fait, je crois que les personnes qui choisissent d'y oeuvrer ont une imagination passablement débordante. Ne serait-ce que pour tenter d'atteindre la vitesse des connections synaptiques du public auquel nous faisons face quotidiennement, parce qu'il m'apparaît évident, à ce chapitre que les enfants, particulièrement ceux d'âge préscolaire, ont beaucoup à apprendre aux adultes qui les entourent.

Ils s'émerveillent d'un rien et sont complètement fascinés par les sujets qui les intéressent. Combien de fois aie-je vu un petit 2 ou 3 ans me montrer fièrement sa prochaine acquisition, mettons, Le grand voyage de Monsieur Caca, un classique, tout heureux à l'idée d'apprendre, enfin, comment ça se passe dans son corps. Si parfois, les parents sont un tantinet gênés par cette exubérance infantile, les libraires jeunesse, eux, n'y voient rien de mal.

En réalité, ils tendent à ce placer à cette hauteur, à force de volonté. Parce qu'il n'est pas si facile, une fois l'âge de raison largement dépassé, de se replonger dans l'éblouissement de tout ce qui meuble la vie de tous les jours. Ainsi, je vois régulièrement les libraires jeunesse fredonner en refaisant un alphabet ou encore en zieutant les nouveautés afin de mieux pouvoir les conseiller.

Mais il y a aussi ces petits travers qui les caractérisent, en débutant par une capacité inéluctable à se chausser leurs lunettes du merveilleux quelle que soit la circonstance. Et à s'amuser de leurs méprises en les annonçant tout haut. Ainsi j'ai entendu une version plutôt imagée de la chanson des Beatles Ticket to ride qui allait comme suit: « She's got a chiken to ride, and she don't care » exprimé bien fort entre deux rires à toutes les fois où le refrain revenait, au grand plaisir des enfants qui comprenaient très bien l'erreur et lui disaient : « madame, tu te trompes! »

Il nous arrive souvent de na pas bien comprendre ce que veulent les clients surtout quand ce sont les enfants qui font les choix. Les descriptions sont souvent absurdes d'un conte nous donnent beaucoup de fil à retordre du genre : « madame moi je cherche l'histoire des bottes de pas la bonne personne ». Oui bon... Nous avons beau avoir une belle culture des albums que nous tenons, ça prend souvent plus qu'une tête pour finir par retrouver le livre en question.

En bref, il me semble que je replonge tous les jours dans l'enfance de l'art. L'art d'être heureuse au quotidien en portant une attention précise aux détails qui jalonnent mon parcours.

Et ça me fait un bien fou.

Libellés :