jeudi, mars 17, 2016

Une chanson pour le bain

Quand ma sœur était toute petite, il y a eu un petit incident qui lui a fait avaler, à peu près, la moitié l'eau du bain avant que je ne la sorte de là. J'ai eu peur et je lui ai fait peur. Pauvre petite. Et puis, l'été suivant, je crois, elle s'était jetée à l'eau sans ses flotteurs et sans savoir encore nager. Ces deux événements ont considérablement teintés sa relation avec l'eau, il me semble, en tout cas, elle aime beaucoup moins ça que moi.

Pendant un bout de temps, il n'était pas si facile de l'amener à prendre son bain, même si c'était nécessaire et qu'elle n'était pas tout à fait assez grande pour prendre sa douche. Alors j'avais composé, pour elle, une petite chansonnette, disons plutôt une comptine chantée, afin que cette corvée soit un peu amusante, un peu moins épeurante, un peu moins une obligation vraiment trop plate, aussi.

Son fils, pour sa part, a vraisemblablement hérité de mon amour de l'eau. Il gazouille tout son soûl lorsque son papa l'amène dans la salle de bain et qu'il entend la champlure. Et quand on le plonge dans l'eau, il n'est pas loin de l'extase. Il sourit, babille, bat des jambes et des bras et essaie de boire toute l'eau qu'il peut atteindre avant que la main vigilante du papa ne lui tourne diligemment la tête. Il est un petit poisson bien confortable dans son milieu aquatique protégé.

J'ai participé, une fois, au rituel, et je me suis bien amusée à lui chanter les airs de Passe-Partout qui concernent les poissons et les grenouilles et autres machins du même genre pendant que son papa lui chantait une histoire d'escargot que ce poupon très précis semble apprécier tout particulièrement.

Et puis hier, profitant d'une journée de congé sortie de nulle part, j'ai passé l'après-midi avec ma mère, ma sœur et l'enfançon en question. Comme dit ma sœur, j'étais venue faire ma tournée de guili-guili à son fils, ce qui est l'exacte vérité, mais j'appréciais aussi beaucoup de passer du temps en famille, en dehors des soupers dominicaux dont nous avons l'habitude.

Je ne sais pas trop pourquoi on a reparlé de la soirée lors de laquelle j'avais assisté au bain du petit. Toujours est-il que je disais à ma sœur ce que je lui avais chanté. Et elle de me répondre : « Sais-tu ce que je lui chante moi? Je lui chante cela... » Et elle lui a fredonné la vieille chansonnette sortie de sa propre enfance. Adaptée pour son fils. Et il la regardait en souriant, heureux d'entendre sa chanson de bain.

Je n'ai rien dit sur le coup, j'étais beaucoup trop émue. Si j'avais parlé, je crois que j'aurais versé toutes les larmes de mon corps comme un torrent le sur plancher de sa salle-à-manger.

J'avais composé une petite chose, sans aucune espèce d'importance, pour une enfant à qui j'avais donné, sans le vouloir, une certaine peur de l'eau et plus de trente ans plus tard, c'était devenu une petite ritournelle pleine de bonheur pour son fils, à elle.

Si j'avais su que mon pas d'oreille musicale me mènerait, un jour, là, je me serais peut-être jugée un peu moins sévèrement, point de vue musical, s'entend.

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