Ni magicienne ni sorcière
J'aurais tellement aimé
pouvoir répondre à tes questions, connaître les paroles qui
auraient su t'apaiser. Je me sentais aussi démunie ce jour-là que
tous les jours d'avant lors desquels nous nous buttions à mon
ignorance. Tu te dressais devant moi, pugnace, bien décidée à
m'extirper une date limite à la douleur, une recette presque magique
que tu pourrais suivre minutieusement et ainsi t'assurer d'une belle
réussite, malgré tout.
Je ne suis qu'une femme,
pas une magicienne ni une sorcière. Je n'ai de pouvoirs que ceux de
mon audition, de ma sensibilité et de mon amitié. Les peines
d'amour, tu vois, ne se gèrent pas techniquement. Surtout quand la
décision ne nous a jamais appartenu. On se sent, à tous les coups,
baignés d'absurde tandis les interrogations s'amoncellent et que les
réveils de trois heures du matins se répètent inlassablement.
J'aurais aimé pouvoir te
dire qu'on peut cesser d'aimer sur commande. C'est rarement le cas.
Les seules histoires que je connaissent qui relatent ce genre de
choses, je les ai croisées en fiction. Dans la réalité bien simple
et bien bête, malgré les trahisons, les déceptions, les peurs, les
doutes, ce n'est jamais aussi simple. Quand on s'est laissé sauter
dans le vide qui nous a conduit à l'autre, la remonté se fait
généralement sur un mur qui n'offre pas de prises et lorsqu'on a
pris la décision de faire le plongeon, on a toujours soigneusement
pris soin de ne pas apporter d'échelle avec soi parce qu'on s'était
entièrement impliqué dans cette descente qui nous semblait une
ascension.
J'aurais aimé pouvoir te
dire qu'il existe une date de péremption. Qu'au bout de Z temps de
relation, si tu divises par deux la durée, que tu multiplies par
huit l'effort, au bout d'un temps Y, tu n'y penserais tout simplement
plus. Je ne peux pas. Je ne pourrais même pas te promettre qu'une
nouvelle âme sœur pourrait être une réponse indiquée à ton
mal-être. Je ne dis pas que ça ne se pourrait pas, simplement que
je ne peux pas promettre les effets d'une telle rencontre sur la
peine qui te chavire encore trop souvent à ton goût.
J'aimerais pouvoir te
dire qu'une discussion à cœur ouvert entre celui qui est parti et
toi serait une solution. Mais je sais, intimement, depuis plus de la
moitié de ma vie que ce n'est pas vrai. Je sais qu'il ne te dirait,
jamais ce qu'il faudrait pour que tu trouves une certaine paix dans
ses explications. Pas parce qu'il est plus nono qu'un autre, mais
bien parce que les seules réponses qui trouveront grâce à tes yeux
seront celles qui auront émané de toi. Toutes les recettes et les
échéances que tu demandes si fort elles sont en toi. Ce ne sont pas
les mêmes que les miennes en pareilles circonstances, ni celles de
personne d'autre.
C'est le problème avec
l'existence, et peut-être sa beauté aussi : on la vit
collectivement, mais on est toujours tout seul à relever nos plus
grand défis.
Libellés : Digressions