Les oreilles qui résonnent
Je travaille assez
rarement le dimanche. C'est mon petit bout de fin de semaine à moi.
Cet état de faits est assez plaisant parce que ça me donne une
journée de congé sur le sens du monde qui me permet de prévoir des
activités avec la moyenne des ours civilisés qui ont toutes leurs
fins de semaines de repos. Durant la saison estivale, Maman et moi on
en profite aussi pour écouter des finales de tennis, genre
d'activité que nous ne partageons qu'ensemble et que nous aimons
beaucoup.
Aujourd'hui, par contre,
je travaillais. J'avais eu congé hier, dans une espèce de fin de
semaine en forme de fromage suisse. Ça ne me dérange pas trop, à
condition que ce ne soit pas ainsi toutes les semaines. Comme je
savais que la flotte allait nous tomber sur la tête quelque part ce
matin, j'étais, en réalité, bien heureuse d'avoir eu la somptueuse
journée qui m'avait été impartie pour flâner dans le parc devant
chez-moi avec un livre, du papier et un stylo et mon baladeur.
Certes, il faisait un peu gris, mais il ne pleuvait pas et il faisait
bon être dehors.
Depuis quelques jours,
j'avais vu jaillir des pancartes d'un jaune criard sur à peu près
tous les poteaux de ma rue et de ses voisines. En plus d'interdiction
de stationner orange fluo que l'on ne voit pousser d'ordinaire que
dans les mois d'hiver. Les jaunes étaient surdimensionnées et
indiquaient très clairement une interdiction de stationner dans le
quadrilatère entre 1h00 ce matin et 16h00 cet après-midi. Ça
pouvait difficilement être plus clair. Surtout que des toilettes
chimiques ont poussé dans le parc, à côté de tables à
pique-niques non permanente. Avec toute sorte de signalisation qui
expliquait que le Tour de l'île passerait par le secteur.
J'ai quelquefois des
doutes sur la capacité de lecture de mes voisins. Si beaucoup
d'entre eux ont un véhicule automobile, j'en soupçonne une bonne
partie d'être analphabète fonctionnelle. Moi, je vois un panneau et
je le lis sans trop m'en apercevoir. Eux... J'en doute.
Bref, à 6h00 ce matin,
les camions de remorquage sont arrivés toutes sirènes dehors. Parce
qu'évidemment, la rue était pleine de voitures. Heureusement, je
m'étais réveillée de moi-même à peu près dix minutes avant leur
entrée en scène tonitruante, pour dire le moins. Je sortais de la
douche lorsque j'ai perçu leur doux chant. C'est déjà pénible
l'hiver quand toutes les fenêtres sont bien fermées et calfeutrées,
c'est carrément assourdissant avec les fenêtres grandes ouvertes.
Et je ne peux pas faire grand chose pour atténuer le bruit, je n'ai
pas de voiture à aller déplacer.
En plus, mon voisinage a,
généralement, le samedi soir festif, ce qui fait que ça lui a pris
un temps fou avant de comprendre le message peu subtil. Et quand ses
membres sortaient de leur logis pour aller déplacer leur véhicule,
ils fulminaient (le mot est faible) contre les employés de la ville.
Moi, je me disait qu'en réalité les employés municipaux avaient
été plutôt gentils de ne pas nous réveiller bien plus tôt, après
tout, ils nous avaient laissé 5 heures de délais, ce qui n'est pas
rien.
Tout cela pour dire que,
pour cette fois, j'étais vraiment contente de mon horaire atypique
et d'avoir eu à me lever de toute manière, parce que je suis
passablement convaincue que j'aurais été franchement de mauvais
poil s'il avait fallut que je me fasse réveiller à grands coups de
sirènes un jour où mon seul plan de match aurait été de me
laisser aller à la farniente.
N'empêche que j'ai
encore les oreilles qui résonnent et je me demande bien quand mon
audition reviendra à la normale.
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