samedi, mai 28, 2016

La journée spéciale

Tu te demandais pourquoi, depuis quelques temps, tu acceptais toutes les invitations du samedi soir, quand c'était pour toi, le dernier jour de semaines souvent trop longues, pleines de monde que tu ne connaissais pas.

Ce samedi ne faisait en aucun cas exception. Même si l'envie d'y être se disputait âprement avec l'envie de ne pas y faire apparition. Mais bon, une fois encore tu avais donné ta parole d'amie et cette parole-là, pour toi, vaut de l'or. Alors mauvaise ou bonne foi dans la manche, tu t'y étais rendue.

La majorité des convives étaient arrivés bien avant toi. Le soleil faisant, la détente et tout ce qui s'en suit faisant leur effet, tu te sentais un peu déphasée. Si tu connaissais certains visages, tu étais un satellite dans l'environnement, de manière assez évidente. Un satellite bienvenu, accepté et intégré. Avec des retrouvailles à quelques dizaines d'années d'intervalles entre ces hiers et les aujourd'huis.. Des gens que tu ne connaissais plus sinon que par les nouvelles éparses que tu glanais de temps à autres auprès de l'ami commun que l'on fêtait en ce jour.

Et puis, tu avais décidé de suivre un cerf-volant, de loin, parce que tu te rappelais des échecs cuisants de ton enfance à essayer d'en faire voler, mais il y avait une enfant dont la maman était partie faire une course qui avait bien envie d'aller courir après le dragon dans le ciel. En te rendant sur les lieux du crime à venir, tu avais annoncé à l'enfant en question que tu avais connu sa mère dans une autre vie, histoire de tisser un lien et tu avais eu le réflexe de demander à la fillette en question si elle aimait lire. Grand bien t'en fit. La question était à peine terminée qu'elle laçait sa petite menotte à la tienne. Confiance et abandon. Ton cœur s'était serré à ce geste et avait fondu quelques pas plus loin quand c'est tout ton bras qui avait été enserré, pour te montrer ton importance du moment.

À cet instant, tu avais senti l'émotion partir du sol que tu foulais pour aller se réverbérer jusque dans le moindre de tes cheveux. Quelque chose de grand et de beau. Tu reconnaissais l'importance de l'offrande amicale, la générosité du geste. Tu savais que les enfants ne faisaient pas confiance sans raison aux femmes qu'ils ne connaissent presque pas, sinon lorsque leur instinct leur dictait de se laisser aller parce que geste en valait la peine.

Et tu n'avais pu faire autrement que te partir rapidement parce que tu avais compris que les grosses montées d'émotions te rendaient friable à la colère. Même si tu n'avais aucune raison de te fâcher, le fragile équilibre entre toi et toi demandait un certain recul. Tu sentais les larmes frôler tes paupières et tu étais consciente de ne pouvoir les verser en public, même si les émotions qui les sous-tendaient étaient positives. Tu avais appris à tes dépends que tu gérais très mal ces vagues émotionnelles.

Tu avais quitté juste à temps, à temps pour faire le chemins du retour les larmes coulant allègrement sur le rond de tes joues. Avec en tête le titre imposé par ta nouvelle amie « la journée spéciale ».

Ce qu'elle fut.

Libellés :