samedi, juin 18, 2016

Prendre mon courage à bouts de bras

Lorsque j'ai déménagé ici, on m'a presque immédiatement présenté l'homme qui habitait l'appartement à côté du nôtre, dans le HLM tout juste au nord de notre porte. J'ai eu tôt fait de comprendre qu'il était le centre de l'univers du coin. Huit mois par année, sinon davantage, son balcon et le trottoir adjacent (aussi bien dire ma tête de lit) étaient largement occupés par divers personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les les autres. Il ne m'était pas particulièrement antipathique, sans m'être sympathique non plus. Il est décédé il y a quelques mois.

L'appartement qu'il occupait a été vacant un certain temps. Puis un jeune homme s'y est installé avec avec son chien, un pitbull, rien de de moins. Il se dégage de cet homme une énergie violente comme j'en ai rarement senti. Ses tatouages parlent d'une vie difficile et de colère. Rien pour me rassurer. Mon coloc l'a un jour décrit comme un ex-détenu. Il parlait, à cette époque, au sens figuré, mais je l'avais pris pour un sens propre. Toujours rien pour me rassurer.

Au fil des mois, je me suis dit qu'il essayait certainement de se faire oublier, parce que jamais je n'entendais quoique ce soit en provenance de chez-lui et je m'en félicitais. Surtout avec la voisine du dessus qui multipliait les dérangements grands ou petits, jusqu'à m'en faire regretter d'avoir besoin de sommeil.

Jusqu'à la semaine dernière. J'ai alors eu droit à un concert tonitruant de musique pop que je n'aime pas, jouxtée à du heavy metal qui ne me plaît pas davantage. Ça a duré 5 heures. Comme c'était le jour, je me suis tue, mais je ne peux pas dire que j'ai apprécié. Mais le clou, ça été la nuit suivante quand la vibration provenant du mur contigu m'a réveillée pour de bon vers 5h30 du matin et que cette joyeuses cacophonie a perduré jusque vers 11h00. Comme lui et son chien me font peur, je n'ai pas osé aller cogner.

Hier soir, ça a recommencé. Et je me suis dit que je n'allais pas passer les prochains mois à souffrir d'insomnie de voisinage. Alors je suis sortie et lui ai parlé. Je tremblais de tous mes membres, ma voix était chevrotante et la musique tellement forte qu'il avait peine à m'entendre, de toute manière, il ne me comprenait pas, il ne parle pas un maudit mot de français. C'est, bien sûr, à cet instant, que mon anglais a décidé de prendre la poudre d'escampette; j'étais tellement nerveuse, que je n'étais pas capable de trouver les mots pour dire « peux-tu, svp, baisser le volume? » J'ai fini par baragouiner quelque chose qui n'avait pas trop de sens, mais il a compris ce que je voulais dire. Il était sidéré de savoir que j'entendais jusque chez-moi. Je lui ai souligné que j'entendais en fait, très bien, et que je travaillais la fin de semaine, moi. Il s'est dit désolé du dérangement, que ceux qu'il voulait faire chier étaient ses voisins du dessus qui, semble-t-il, sautent au dessus de sa tête toutes les nuits.

Bref, on s'est entendus sur le fait que je pouvais vivre avec des périodes de grosse musique de temps à autre, mais qu'entre 21h00 et 10h00 du matin, je ne le supporterais plus.

Sur ce coup-là, j'ai collé une étoile dans mon cahier, parce que j'ai vraiment pris tout mon courage pour me faire respecter.

Et j'en suis fière.

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