mercredi, juin 08, 2016

D'un Kevin à l'autre

C'était un homme, encore assez jeune, où qui en avait l'air. Il errait entre les rayons, complètement perdu. Je n'avais pu faire autrement que de lui demander ce qu'il cherchait entre une course vers la caisse et une autre vers une destination dont j'ai oublié l'objectif.

Il m'avait dit, sur un ton complètement découragé : « je cherche un livre pour mon fils ». Ça peut être un enjeu, l'air de rien. J'avais donc demandé à l'homme quels étaient les intérêts de son fils et ça l'avait immobilisé. Il m'avait alors regardée différemment. Comme si j'étais soudainement devenue une magicienne. Il m'avait alors décrit son neuf ans, allergique à la littérature fantastique, un peu glauque et un tantinet humoristique.

Pas simple de l'aider. On dirait qu'il n'existe plus que les histoires drôles ou les séries remplies de magie, de dragons et tutti quanti pour les jeunes garçons qui aiment lire. Qui plus est, le papa qui me faisait face voulait des livres exclusivement en langue originale française parce qu'il fallait préserver celle-ci. Bien entendu j'aimais le propos et le principe, moi qui suis une amoureuse indéfectible de la langue française, je ne pouvais faire autrement que d'approuver ses choix.

J'avais fini par dénicher trois auteurs qui pouvaient entrer dans ce qu'il désirait offrir à son fils. Il en avait pris un, bien content de son choix.

Environ trois semaines plus tard, j'ai recroisé le même homme, dans à peu près les mêmes circonstances, j'étais-là pour épauler les libraires jeunesse un soir où il y avait beaucoup plus de gens que ce que l'on aurait pu prévoir. Personnellement, je ne l'avais pas reconnu d'une fois à l'autre. En réalité, je me disais simplement que l'homme en question ressemblait beaucoup à Kevin Parent mais qu'il avait un quelque chose de plus qui m'était familier.

Lorsqu'il s'était décidément aligné sur moi pour que je le serve, j'avais été un peu gênée parce qu'en toute honnêteté, je le trouvais fort séduisant. Il m'avait alors rappelé que je l'avais conseillé récemment pour des livres qu'il destinait à son enfant et que mes premiers choix ayant été des succès, il avait décidé de revenir dans ma librairie au cas-où j'aurais pu trouver autre chose pour son lecteur en devenir. Ça m'avait touchée, immensément.

On avait fini par discuter à bâtons rompus de toutes sortes de sujets, de l'importance de la langue dans laquelle on parlait, surtout qu'il était Acadien, analyste financier ayant travaillé quelques années à Toronto, et profondément fier de sa langue maternelle, assez en tout cas pour m'obliger à me creuser la cervelle pour lui trouver autre chose pour son petit bonhomme qui aimait déjà lire, et don le papa tenait mordicus à cultiver cet intérêt.

Avant de partir il m'avait dit «  je m'étais dit « Kevin retourne voir la libraire qui t'avais si bien aidé l'autre jour, tout d'un coup qu'elle aurait d'autres bonnes lectures à te proposer » ».

Je n'avais pu m'empêcher de rire dans ma barbe imaginaire parce que que d'un Kevin à l'autre, j'avais trouvé le moyen d'en contenter un, intellectuellement du moins....

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