jeudi, juin 16, 2016

Dresser des murs

Quand on s'était rencontrés, je ne savais pas la pérennité de la présence que tu occuperais dans ma vie, avec ou sans mon consentement. Comme si ces amours juvéniles, celles que les adultes regardent avec une condescendance certaine traçaient un ancrage permanent.

À l'époque des balbutiements de nos rencontres, je t'aimais bien. Je te trouvais intelligent, je te trouvais amusant quelquefois, je dois admettre que j'étais fascinée. Je te savais égoïste déjà. Je savais que tu désirais que j'accorde mon point de vue au tien. Mais je n'ai jamais été de celles qui se plient aux diktats de ceux qui parlent plus fort que les autres. Pas tant que je confrontais, certainement pas à cette période de ma verte jeunesse en tout cas, j'étais plutôt adepte des faux-fuyants et je me trouvais d'autres moyens d'être heureuse malgré les pressions, en choisissant des avenues où je pouvais avoir un espace confortable plutôt qu'à tenter de rejoindre le groupe le plus en vue, si pour l'atteindre il aurait fallut que je me dénature.

Je n'aurais jamais imaginé que malgré les l'éloignement géographique et psychologique, à plus de quarante ans, se rétrécirait comme peau de chagrin à de multiples reprises, au fil des ans.

Au moment où j'avais pris la décision de couper les ponts, je me faisais la réflexion que tous les atouts étaient dans mes manches : nous n'habitions plus les mêmes villes, nous ne fréquentions plus les mêmes cercles. Ça me semblait si simple.

Sauf qu'on dirait qu'à tous les murs que j'ai dressés, il y a des trous, te concertant. Comme si tu avais le chic d'en saboter toutes les assises, malgré toutes mes tentatives de garder mes distances. Combien de fois suis-je tombée des nues lorsqu'un individu à qui je n'avais pas consacré une pensée en plus de dix ans, m'a affirmé suivre mon cheminement à travers la lecture que tu en avais? Je ne sais pas et je ne désire certainement pas en faire le décompte. Je peux par ailleurs affirmer que ce genre de rencontre me sape le moral, et sans doute aussi un petit bout de confiance en moi.

Je me fais un point d'honneur de ne pas parler de toi à tous ceux qui pourraient te passer la parole. Je te laisse vivre comme je voudrais que tu le fasse avec moi. Je te laisse être et devenir sans y mettre mon grain de sel. Ma demande, ma très grande demande, est simplement que tu m'accordes ces mêmes droits.

À une époque où l'internet épie le moindre de nos gestes, il est si facile d'épier tout un chacun et d'en tirer les conclusions que l'on veuille bien y trouver. Mais justement, ce sont des interprétations, souvent à des kilomètres de la réalité.

Je suis lasse de devoir briser l'image de moi que tu renvoies à d'autres qui risquent de me croiser. Je suis lasse de me défendre de ne pas être celle que tu avais imaginer. Je ne l'ai jamais été, ne le serai jamais, je n'ai ni les aptitudes ni la force de ressembler à ce que j'imagine que tu voudrais que je sois.

Parce qu'au fond, ce à quoi j'aspire, c'est que tu suives tes chemins et que tu me laisse suivre les miens.

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