Pierre angulaire
En suivant le fil de mon
texte de dimanche dernier, je relis Lucy-Maud et je retrouve une part
de la jeune fille que j'ai été, celle qui s'animait si fort au
contact du mot juste. Comme ses personnages me parlaient,
particulièrement celui d'Émilie, parce qu'elle écrivait et se
laissait guider par son inspiration, mais cette femme n'a pas été
mon premier coup de foudre avec la beauté des images que les mots
pouvaient produire.
En fait, mon tout premier
coup de foudre littéraire, je le dois à Gilles Vigneault. Je ne
suis plus certaine, dans quel ordre, mais ça été tour à tour une
chanson bien précise et ses contes pour enfants. La chanson c'était
J'ai pour toi un lac et les
premiers contes étaient, évidemment, Les quatre saisons
de Piquot, puisque c'est le
premier à avoir paru. Nous l'avons tellement écouté à la maison
et dans l'automobile, nous connaissions tous les histoires par cœur.
Francis avait un faible pour le second opus, Des nouvelles
d'Eva, il adorait l'histoire de
Quasiment.
Il doit encore être capable d'en citer de longs extraits avec
exactement les même intonations que monsieur Vigneault.
Ce
qui personnellement me fascinait, ce n'était pas tant la trame
narrative que la manière dont chaque mot était posé. Il y avait de
la magie dans cette maîtrise du verbe et de la verve. Toujours
est-il que j'ai, par la suite, sur une très longue période de
temps, entrepris d'écouter toutes les chansons du grand Gilles. En
commençant par les deux ou trois que nous avions à la maison, sur
un desquels se trouvait la chanson mentionné plus haut. Si au début,
l'interprétation me causait quelques soucis, j'ai eu tôt fait de ne
plus m'en soucier pour me concentrer sur la beauté des textes.
Sérieusement,
je ne suis pas tout à fait certaine encore d'avoir entendu toutes
ses chansons, je sais que je j'ai lu les contes et les poésies qui
ont été publiés et qu'à tous les coups je pleure quelque part.
Pas toujours sur la même image. Ça n'a pas vraiment d'importance de
toute manière. L'important c'est qu'en poésie ou en prose, Gilles
Vigneault m'a mise sur ma propre voie.
Le
jour de Noël 2016, je suis allée voir Le
goût d'un pays
avec ma mère et deux de ses frères. J'aime Fred Pellerin, mais j'ai
un vraiment gros faible pour Gilles Vigneault. Et à chacune de ses
prises de parole, je me sentais vibrer aussi fort que l'adolescente
que j'ai été vibrait en écoutant ses mots.
Et
puis, tout de suite après avoir terminé mon texte, dimanche soir
dernier, je l'ai vu à Tout le monde en parle. Je me suis encore une
fois laissée happer par le personnage fantastique qu'il est. Et je
me suis prise à penser qu'on a tendance à attendre la mort d'un
homme pour le célébrer. J'ai eu envie de rompre cette tradition et
de signifier à quel point sa présence dans l'univers artistique et
social de notre coin du monde, a été une pierre angulaire dans le
développement de la femme que je suis devenue.
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