mercredi, avril 05, 2017

Le prix de la liberté

Automne 2003. Officiellement, je suis toujours inscrite à la maîtrise, mais mon mémoire est sur la glace depuis un petit moment. Je n'ai pas d'énergie. Je travaille à temps complet au salaire minimum et faire aller mes neurones pour établir des liens entre les sources et la problématique (question posée par l'historien dans le but de démontrer une hypothèse) que j'avais émise est un défi que je ne sens plus en mesure de réaliser. Je ne le sais pas encore, mais je suis de plein pieds dans le pays des zombies.

Au cœur de ma détresse, mes dettes. Essentiellement des dettes d'études. Je me percois comme la sommes de ces dettes. Point à la ligne. Je tire le diable par la queue et ne me réalise pas. Mais surtout, je sens que je ne vaut humainement moins que ce que je dois à la société, financièrement en premier lieu. C'est dans ces circonstances que je suis revenue à Montréal et il ne m'aura pas fallut beaucoup de temps pour réaliser qu'en fait, je ne suis même plus en mesure de travailler. Je me sens tellement moche, que je suis persuadée que je n'ai même pas droit à l'aide sociale parce que je dois alors tellement d'argent que la société serait bien nouille de m'en donner d'autre.

À ma très grande surprise, la société me donne cet argent. Bien peu, je sais, mais quand même assez pour que je survive. En plus, elle me donne droit à des services d'aide psychologiques qui lentement, très lentement m'aideront à remonter la pente. Et je ne peux passer sous silence le fait que ma mère m'a hébergée jusqu'à ce que je sois en mesure de me trouver un travail et un nouveau logement. Pendant des années, je n'ai pas fait mes déclarations de revenus, fuite affolée de la petite poulette bien perdue que j'étais à l'époque. Et puis, j'ai commencé à travailler chez Renaud-Bray. Je me suis fait un nouveau cercle d'amis, j'ai recommencé à avoir une petite estime de moi. J'ai tenu ce blogue, ce qui m'a fait le plus grand bien et, éventuellement, j'ai fait face à ma musique, c'est-à-dire, mes dettes.

J'ai commencé à payer celles-ci à l'automne 2007, je crois. Après quatre ans à laisser courir les intérêts. Sincèrement, je ne voyais pas à quel moment j'en verrai la fin. Mais j'ai continué. Comme celles-ci avaient été reprises par le gouvernement, tous les retours d'impôts provinciaux auxquels j'aurais pu avoir droit étaient directement attribués au paiement de ma dette. Les premières années, je recevais par courrier un état de compte et puis, avec l'informatisation graduelle, je devais aller voir celui-ci sur le portail du gouvernement. Je n'y suis jamais arrivée, n'ayant jamais compris où ces données étaient cachées. La dernière fois que j'ai vu le solde, je devais encore plus de 10 000$.

Aujourd'hui, j'ai reçu un état de compte. Je ne dois plus rien. Je suis complètement libre de dette. Zéro, nul, néant, nada, rien. J'ai dû regarder le montant pendant une dizaine de minutes, totalement ahurie. Je le sais depuis vendredi, mais entre le savoir et le voir, il y a une différence.

Demain, je pars à Cuba. Ce voyage est prévu depuis la fin janvier. Mais il me semble que c'est une bien belle manière de souligner cette très grande victoire sur moi-même. J'ai gravi un Everest intime, à force de persévérance et de privation. J'y suis arrivée toute seule et sérieusement, je crois que c'est, à ce jour, ma plus grande réalisation.

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