Ma professeure de maths
Ça fait des jours que je
cherche le client de Noël qui me fera sourire et qui deviendra le
personnage annuel de mes récits. Je ne l'ai pas croisé cette année,
il faut croire que celui-ci a décidé de fréquenter un autre
endroit que celui où je travaille, peut-être n'avait-il pas envie
de se faire pincer par ma plume cette année. Même si, je dois
l'avouer, la plupart de mes victimes ne savent pas que je les décris,
et si elles le savaient, je pense qu'elles en seraient plus amusées
qu'offensées.
Mais tout de même, il y
a cette femme, que j'ai failli nommer ici fille, que je vois
seulement une fois par année, généralement entre le 21 et 24
décembre depuis presque aussi longtemps que je travaille dans le
milieu du livre. De manière tout à fait étonnante, elle a suivi à
peu près tous mes mouvements de succursale sans jamais à l'avance
que je changeais de localisation. Je la connais depuis bien
longtemps, depuis 1988 en fait. Nous avons fait notre secondaire
ensemble. Enfin une partie.
Elle était très douée
en mathématique, ce qui a été une bête féroce dans mon
cheminement scolaire. Et je suis encore convaincue aujourd'hui que si
j'ai passé mes années de secondaire 2 et 3 en cette matière, c'est
à elle que je le dois. Les professeurs de mathématique de mon
adolescence avaient souvent l'habitude d'ordonner leur classes en
imposant l'ordre alphabétique pour le choix des place dans leurs
salles. Ce faisant, elle et moi étions souvent assises dans un
secteur bien rapproché si ce n'était carrément l'une devant
l'autre.
C'est ce qui m'aidait
parce que dès que nous tombions en pratique, je me tournais vers
elle avec des yeux ahuris, démontrant muettement mon incompréhension
totale de la matière. Alors, elle prenait le premier exercice en
haut de la feuille, et m'expliquait, dans ses mots, ce qui venait
d'être démontré et que je n'avais pas compris. Et elle le
refaisait jusqu'à ce que je réussisse un exercice en lui expliquant
de quelle manière j'avais procédé et comment je l'avais fait.
En secondaire 4 nos
chemins ont divergé et j'ai échoué la partie enrichie de mon
année. On s'est perdues de vue pour se retrouver, des années plus
tard à l'Université de Sherbrooke. Elle étudiait alors en
mathématiques pures. Ce qui ne m'avait pas du tout surprise.
Re-perte de vue après trois ans et c'est au magasin, quelques jours
avant Noël il y a une douzaine d'années qu'on s'est revues. À tous
les coups, je prends la peine de jaser quelques minutes avec elle,
pour prendre des nouvelles d'elle et de sa famille, en donner à mon
tour. On se quitte toujours sur un grand éclat de rire, ce qui
résume assez bien les années où nous avons partagé une amitié
plus assidue.
J'en arrive presque à
croire, même si honnêtement, je ne l'attends pas vraiment, que mes
Noëls seraient un peu moins joyeux sans nos petits échanges
d'éclats rieurs en catimini.
Libellés : Digressions