dimanche, novembre 25, 2018

Effets de perspectives

Dans une société où l'on repousse le concept de la vieillesse, l'idée même de la mortalité devient presque floue. Pourtant, personne n'y échappera. C'est écrit dans le ciel, qu'on le veuille ou non. Mais bien entendu, malgré le fait que nous portions collectivement des œillères cette réalité finit tôt ou tard par nous rattraper. Cet automne, elle me frappe de plein fouet. Parce que tranquillement, mais sûrement, ces départs pour l'éternité sont ceux des gens de la génération de mes parents.

Jusqu'à très récemment, il me semblait que la mort venait chercher des gens qui étaient loin devant moi, aïeux âgés que je connaissais que très peu. Sauf que, ce matin j'ai appris le décès de l'ex-mari d'une amie de ma mère. Je ne peux pas dire que je me souvienne bien de lui. Je n'avais pas dix ans quand il s'est séparé ça fait donc quelque chose comme trente-cinq ans que je ne l'ai pas croisé. Il existe cependant, dans ma tête, quelques photos assez vives de l'homme. Généralement en costume de bain parce que nous allions à un chalet dans sa famille et que c'étaient des moments heureux de mon enfance. J'imagine bien que je l'ai aussi vu à d'autres moments que durant ces journées estivales qui me plaisaient tant, mais je n'en garde pas de trace dans ma mémoire faillible.

Il avait soixante-quatorze ans. Mes grands parents maternels sont morts beaucoup plus jeunes que lui. Et je les trouvais si vieux. Peut-être l'étaient-ils davantage que ceux des générations suivantes au même âge. Je ne sais pas. Ce que je sais cependant, c'est que par un effet de perspective biaisée et sans doute particulière, je ne trouve pas ma mère vieille. Ni la plupart de ses amis d'ailleurs, en tout cas, ceux que je croise encore de temps à autres. On ne se voit pas vieillir, on passe les jours sans trop s'en rendre compte et on se réveille un matin avec quelques cheveux blancs sans trop savoir quand ils sont venus agrémenter sa chevelure.

Si le temps qui passe me heurte particulièrement cet automne, c'est sans doute parce que parallèlement, beaucoup de personnages publics que j'ai toujours connus, s'éteignent jalonnant de leur fin de parcours l'année qui s'achève. Et dans la plupart des cas, on s'accorde pour dire qu'ils ont eu une belle vie bien remplie et qu'ils sont mort de leur belle mort. Pour ma part, j'en voyais une bonne part comme des géants immuables qui seraient toujours présents. Mais, évidemment je me trompais.

Ça remet en perspective la brièveté de l'existence, de ce passage conscient sur une planète qu'on malmène en refusant de voir plus loin que le bout de notre éphémère présence. Je n'ai plus vingt ans, je n'ai même plus trente ans. J'ai sans doute vécu plus de la moitié de ma vie. Je vieilli. En fait, je ne le réalise pas très souvent, sinon en regardant grandir les enfants de ma sœur. Parce qu'eux changent à une vitesse si fulgurante qu'on ne peut faire autrement que de réaliser que le temps a passé, même si ce n'est que deux semaines ou un mois.

Je vais devoir me préparer mentalement à voir s'étioler la génération qui me précède, et, inévitablement la mienne.

Ça laisse bien des réflexions philosophiques en perspective...

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