vendredi, août 12, 2005

Le conte de la sorcière chagrine

voici ma contribution au coïtus impromptus de cette semaine. C'est en quelque sorte un dialogue avec ce que j'ai écrit la semaine dernière, Un peu de sel.

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Dans ses longs drapés noirs et pourpres, elle était La Sorcière. Elle égrenait les perles sombres de son rire au hasard des rencontres. Sous les mèches de sa chevelure fauve, ses étranges pupilles d’un bleu insondables décapaient. Son charme faisait autant de victimes que les quidams qu’elle croisait. Le noir et le pourpre étaient ses accessoires. Balançant sa jeunesse dans l’impétueux du mouvement de ses hanches, elle était conquérante.

Elle ne savait plus exactement quand, ni comment. Elle ne savait pas réellement pourquoi. Mais le poison la rongeait, l’épuisait. Minuscules notes dans une mélodie de plus en plus grinçante. Sous les morsures de son souffle chaud, elle s’effondrait. Il n’était pourtant qu’un homme. Superbe présentation de l’apparence masculine, campé dans ce port de tête sauvage, presque arrogant.

Elle avait frappé le vide de plein fouet. S’apercevant trop tard, évidemment, qu’elle ne pourrait jamais assembler toutes les parcelles éclatées d’un restant d’humanité. Elle s’était usée jusqu’à la moelle des os à se tendre vers lui. Elle l’avait aimé de ses baisers, de ses doigts, de sa chair, de ses rires, de ses larmes. Elle avait effrité son cœur sur le roc de ses abysses. Elle avait ouvert pour lui ses plus fines veinules, ses secrets ardents.

Ce soir, elle était affalée sur le parquet d’une cuisine trop propre. Tout chez lui était trop bien rangé. Dodelinant de la tête, soûle jusqu’aux tréfonds de la douleur. Soûle pour se donner du courage, pour oser dire, questionner dans les lacérations de sa voix. Elle avant tant pleuré qu’elle voyait sur son visage les traînées de rimmel. Sur le dos de sa main, une trace de rouge : sa joue devait en être barbouillée. Sa jupe blanche était boueuse et défraîchie par la pluie. Une maille sur son mollet et les déchirures sur ses bras lui donnaient un air de femme battue. Une colombine défraîchie.

Il ne l’avait pourtant pas touchée. Dressé dans toute la majesté de son indifférence, il lui tournait le dos. Entre deux hoquets elle réalisa que même les envies de meurtre étaient dépassées. Elle avait depuis longtemps traversé l’épuisement et la colère. Elle avait franchi l’incompréhensible.

Elle n’était plus qu’une sorcière vautrée dans le chagrin.

Une sorcière brisée, dépouillée de sa magie.

1 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Une sorcière bien touchante... dénuée d'artifices elle n'est qu'une simple humaine qui souffre, tel l'individu mis à nu paroxystiquement.

7:44 p.m.  

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