vendredi, août 05, 2005

Pourir de peur

Ma toute première peur irrationnelle, celle dont je me rappelle est liée aux films d’horreur. Je suis encore incapable de regarder ce genre de truc. Mes réactions sont exponentielles. La panique. Vraie de vraie panique. Je n’aime pas l’horreur. Je n’en suis pas capable.

Le reste du temps, j’étais téméraire. Je grimpais aux arbres, faisait des pirouettes, dévalais les pentes de ski, aimais la noirceur, le camping sauvage et les orages. On aurait dit qu’en grandissant, je changeais ma perspective. Je ne saurais dire quand et où tout a débuter. Après mon adolescence je crois. Peut-être quand j’ai cru qu’il fallait que je craigne ci ou ça. Comme j’ai cru que je n’avais pas le droit de me trouver jolie. Comme j’ai cru que je n’avais pas le droit d’avoir confiance en moi.

Un jour, je suis tombée amoureuse d’un mec que j’ai précédé pour mieux le suivre à Sherbrooke. C’est avec lui que les crises de panique ont commencées. La jalousie aussi. J’avais tellement peur qu’il me quitte. Je voulais tellement qu’il soit le seul amour de ma vie. J’étais rongée par en dedans. Toujours le doute. À tel point que je manquais d’air parfois. Je me serais écroulée sur un terre-plein au milieu d’une rue pour évacuer la rage, la peur et le doute, si j’avais pu. Mais je me suis tue.

C’est après cela que je me suis rendue compte que j’avais le vertige, peur de la vitesse, peur des orages et des pannes d’électricité. Je ne me rappelle pas dans quel ordre cependant ces peurs étaient bien réelles. Ancrées dans mon identité. Plus encore, j’avais peur de ne jamais être assez, peur ne d’être trop laide. Peur d’un maque d’intelligence, peur que l’on cesse de m’aimer. Peur d’être abandonnée de tous. Alors je rejetais pour donner le change. Non était devenu un mot tellement honni que je m’organisais pour être certaine de ne pas me le faire dire : je n’osais plus rien.

Je me suis retrouvée, un matin d’hiver, épave humaine sur une plage de février, à verser toutes les larmes de mon corps dans le bureau d’un travailleur social, à crier mes angoisses, mes nuits sans sommeil et mon épuisement. J’étais zombie parmi les zombies. Tellement que me tuer n’était plus une solution, ça m’aurait demandé trop d’énergie. C’est sans doute ce qui m’a sauvée.

Sur les remparts de Québec, il y a quelques temps, un ami à mes côtés, j’ai réalisé que je n’avais plus le vertige, ni peur de la foule. Les nuages tachaient d’ombres le fleuve à nos pieds et j’ai compris que j’étais enfin guérie. J’ai compris que toutes ces peurs irrationnelles étaient en réalité autant de symptômes de ma dépression, par conséquence sans les symptômes, il n’y avait plus de maladie.

On s’était chanté plus, tôt dans la fin de semaine, C’est quand le bonheur de Cali.

Et j’ai su que c’était à ce moment-là.

2 Commentaires:

Blogger Luzur Maurat s'est arrêté(e) pour réfléchir...

C'est beau grandir...
Moi, je suis encore au stade de faire des dents...

5:36 p.m.  
Blogger Pitounsky s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ne plus avoir peur... Wow!

Magnifique texte. Tout plein de belles petites choses encore une fois!

5:07 p.m.  

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