mercredi, août 03, 2005

Un peu de sel

J'ai fini par sauter une semaine de Coïtus. Cependant, le thème de cette semaine a favorisé mon inspiration. Et peut-être aussi le fait que je passe du temps ailleurs que chez moi. Voici donc ce que j'ai écrit. La contrainte était que le texte devait se terminer par «... j'ai rajouté un peu de sel».


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Furie enragée entrée dans mon appartement, elle me regardait maintenant avec les yeux gorgés de larmes. Petite épave de la femme forte et fière que j’avais rencontrée quelques deux ans auparavant. Installée dans ses doutes, ses questions inutiles ses quêtes et ses demandes elle attendait que je lui dise quelque chose. Un mot, un seul. Que je fasse savoir que les sentiments existaient, que tout avait été réel.

Durant tout son laïus, je n’avais dit un mot. Je la trouvais affreuse dans sa jupe déchirée et boueuse. Ses yeux hagards donnaient l’impression d’être des trous bleus cernés de vide tellement le rimmel avait coulé. Une colombine défraîchie, absolument plus apte à la consommation. À force d’essuyer les torrents de ses pleurs, elle avait barbouillé sa joue droite de rouge vif, comme une hématome encore récente de ses déboires : une poupée totalement ridicule.

Je savais qu’elle avait bu avant d’arriver chez moi. C’était un classique. Toutes les poupées de ma collection finissaient par se soûler jusqu’au fond de l’âme avant de venir me trouver pour les rituelles explications d’usage. Quand le travail était terminé. Lorsqu’elles étaient totalement détruites, ombres d’elles-mêmes, jalouses au possible, rongées par le manque de confiance que j’avais savamment installé.

Je ne me livre pas. Ne me suis jamais livré. Je ne fais que prendre ce que l’on me donne. Sans exclusivité, jamais. Mais elles croient me changer, me sauver de leur amour. Ces amours me pèsent. Je n’en ai pas besoin. Je ne leur ai même jamais dit que je les trouvais belles. À celle-ci pas plus qu’aux autres.

«Est-ce que tu m’as aimé?»

J’ai jugé que l’interrogation était futile.

Je suis retourné à mes fourneaux et j’ai rajouté un peu de sel.

7 Commentaires:

Blogger -flemay- s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Pour cause d'une naissance totalement normale, j'ai le cerveau un peu lent. Il m'arrive de relire deux fois un texte pour bien l'assimiler, enfin... pour le comprendre. Le tient, je l'ai lu trois fois. Ce qu'il faut dire de ces re-lectures est qu'à chaque re-passage, une lumière jaillit, une étincelle de compréhension illumine mon cerveau endormi, qu'un rebrassage s'exécute. Et ça, j'aime ça. Bref, ton texte est d'une richesse inattendue, une belle surprise, une exigence d'efforts exaltants.

11:06 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Moi aussi j'ai du le relire. Une première fois pour arpenter. Une seconde pour saisir que le narrateur est un mec. Et une troisième pour saisir le tout.

11:39 a.m.  
Blogger Jay s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Serait-ce l'un de ces "no more mister nice guy"?
Non, dis-moi que non. Il ne faut pas en arriver là...

11:48 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Franchement Jay, ça c'est un homme froid. Un homme qui n'a plus de sentiments. Il doit être blessé, mais je ne le connais pas vraiment. Il est apparu ainsi au détour d'une idée. En tout cas, ce n'est pas du tout un «No more mister Nice Guy». Pffffffff! Faut savoir différencier.

2:28 p.m.  
Blogger Jay s'est arrêté(e) pour réfléchir...

:P
Je blaguais. Je sais bien que le NMMNG se situe dans le no-man's land entre les deux.
Le clivage c'n'est plus de mon âge.

3:26 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

ainsi les NMMNG sont sortis de la rue Laurier? ben oui me semble en avoir rencontré un récemment au jazz! bah allez c'est n'importe quoi pour te faire rire dans ton pays loin là-bas, chère Mathilde...!

6:17 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ce monsieur me fait penser à Bernard Giraudeau dans le rôle de Léopold dans "Gouttes d'eau sur pierres brûlantes" de François Ozon. Je te le conseille Mathilde...

2:43 a.m.  

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