mardi, septembre 06, 2005

La goutte de sang

Dans ce carnet j'écris beaucoup de textes qui sont tirés de mon expérience de vie. Mais tous les textes ne sont pas de cette eau. Celui qui suit est un exercice d'imagination.


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Je regardais mon pied dans la fine sandale argentée, à l’extrémité de la jambe trop dévoilée, prenant racine dans le prusse de la robe pour se fondre dans l’outremer des translucides d’une étoffe décorative. Je regardais ce pied et je me suis dit qu’il était bien nu. J’ai pensé qu’il pourrait se vêtir d’une touche cramoisie. L’habiller comme on garnit le cou dénudé d’une femme.

J’ai imaginé ce dont cela aurait l’air quand la claque est venue. Un revers de main sans merci sur ma joue. Les paillettes de ces yeux qui me regardent et j’y vois la déception. Trop habillée, trop sexy, trop maquillée surtout. Parce que j’ai posé sur mon corps les fards d’une séduction, je suis, pour lui dénaturée, poupée de cire tirée du passé. Entre la vie et le néant. Sous le choc, je vacille. Je le regarde pendant que ma joue rougit et que le petit public regarde la scène, étourdi.

« Pourquoi te fais-tu cela? » demande-t-il. «Pourquoi dénaturer ta beauté par de vains artifices?» La douleur dans ce regard de verre. Et sous la mèche hirsute cette vague de trahison que je ne connais que trop bien. Dans le ton de la voix, point de hargne, simplement cette douleur trop profonde, ce souvenir venu du fond d’on ne sait où. Ce souvenir qui laboure le cœur et l’âme. Et moi, campée dans la sandale au trop haut talon, drapée dans la robe bleue qu’il ne peut apprécier, je tangue.

Il n’y a pas de réponse à offrir. Pas de réponse qu’il puisse comprendre. Entendre dans le présent auquel je tente à toute force de m’ancrer. J’ai voulu me faire belle, je le suis sans doute pour les autres hommes autour de la table. Je vois bien que Yeux-Noirs là, tout au fond de la salle, me voit différemment pour la première fois depuis que nous avons été présentés. Mais Lui, toujours debout à mes côtés, amarré à sa peine, me trouve avilie.

« Décidément, me dis-je, on ne peut pas plaire à tout le monde et à son père... »

2 Commentaires:

Blogger Jay s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Il frappe parce qu'il est lui-même attiré par sa fille, et ça le rend fou.
Heureusement, ils ne sont pas tous comme ça.
Si j'avais eu une fille, j'aurais été le genre de papa poule qui attend le petit copain avec un paquet de questions... et un club de golf. ;)Parce que, bon, quand on est un gars, on connaît les autres.
La fiction te va aussi bien que la réalité, très chère.

4:48 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Je ne suis pas certaine que ce soit parce qu'il est amoureux ou attiré par elle. Non, je pense que la mère de cet homme était une prostituée. C'est nébuleux. Cependant il a un passé lourd avec les femmes. Et bien entendu, il ne sait pas vraiment comment agir lorsqu'il se sent trahi.

8:25 p.m.  

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