lundi, janvier 23, 2006

Le temps volé

Voici ma participation au Coïtus impromptus de cette semaine. Le thème était Comment dire je t'aime sans se compromettre. Je n'ai pas pu résiter.


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C’était leur été. Du temps volé au temps. Un été de terrasses, de longues marches sur les quais. Un été de complicité tellement intense qu’il ne croyait pas que cela pouvait vraiment exister. Ils passaient le plus clair de leurs nuits à sillonner la ville jusqu’à l’épuisement. En quête de découvertes. Ils s’arrêtaient pour parler aux gens, ceux qui habitaient les quartiers qu’ils croisaient. Il faisait des portraits pendant qu’elle se glissait toujours dans un coin de l’objectif et riait de lui lorsqu’il la retrouvait, éberlué, sur le papier glacé. Amélie portait des jupes tous les jours et des sandales toutes simple. Elle disait : « je suis une romantique et je me laisse prendre par le vent » en jouant les femmes qui attendent un époux trop longtemps espéré, lorsque le vent prenait de face les avenues. Antoine lui répondait : « garde la pose », mais ne la photographiait pas.

Ils jouaient aux enfants, comme lorsqu’ils étaient encore chez leurs parents. Sans travail, sans autres obligations que leur bon vouloir. Elle le réveillait entre les rayons de soleil matinaux en lui chatouillant le nez ou les orteils pour le voir se recroqueviller sous les caresses pendant qu’elle riait aux éclats dans l’arôme du café. Lui la renversait de toute ses forces en disant : « allez avoue avec qui tu es rentrée hier soir! » Elle se débattait en riant et criant « Non, non, non! Je n’avouerai rien, même sous la torture! » Il lui plantait un baiser sur le bout du nez et la laissait s’échapper. Amélie se levait et dandinait son petit cul sur les planchers de bois miroitant la lumière et Antoine disait : « Et maintenant? C’est qui le bourreau hein? »

Ils s’étendaient sur les versants de la colline et comptaient les nuages en se tenant la main. Elle lui racontait tous les contes de fée qui se promenaient dans leur ciel tandis qu’il la faisait frissonner d’horreur avec ses histoires improbables. Elle se cachait contre son épaule au cinéma, comme à l’adolescence quand c’était la encore la meilleure manière pour Amélie d’aborder un garçon. Le soir, il l’entendait murmurer des mots tendres pour cette vie qui l’attendait dans le vallon des ailleurs. Il la voyait offrir à l’appareil ce rire de femme amoureuse qui n’était pas pour lui. Quand elle raccrochait, Antoine passait derrière elle et lui caressait un baiser dans le cou, pour le plaisir de le voir ployer. Elle triturait ses couettes accoudée à la table du téléphone puis disait : « Ouste les blues! On sort, on bouge, on va danser toute la nuit! » Elle le tirait en dehors de la maison, comme pour le forcer à la suivre, mais savait très bien qu’il serait venu à n’importe quelle condition.

Le dernier jour, ils avaient fait l’amour au soleil, sous le regard de la valise éventrée. Elle lui avait dit je t’aime en lui mordillant l’oreille. Elle souriait en remettant sa camisole*, sûre d’elle, conquérante, belle. Elle lui avait dit je t’aime et s’en allait. Lui restait-là, affalé sur le lit, seul.



* Note d’interprétation : ce que j’appelle camisole est nommé débardeur en France.

8 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

T'as ce don d'encrer des personnages dont je tombe amoureux.

1:37 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Jay : on a pas dit tout à l'heure que tu tombais amoureux au quart de tour toi?

Me semblait aussi...

4:42 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

C'est beau l'amour !
C'est con l'amour !

Bon, je suis en retard, je suis en retard, je suis en retard !

5:03 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Le temps vaut laid,
Le temps vaut paix,
Amour d'un jour,
Amour toujours.
Amicalement

6:06 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Cali : merci d'avoir pris le temps de poser tes yeux chez moi malgré ton horaire essoufflant.

10:28 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

ah l'amour... que j'aime à le lire! PS, je déménage sur mon hébergeur perso, se serait utile de mettre le lien à jour!

2:59 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Donkyshot : J'ai fait la modification. Mais j'ai pas changé ton nom parce que j'aimais bien l'allusion. Faudra que tu remettes tes textes sur ton nouveau site parce que franchement, il y a de très très fort.

3:32 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

je suis arrivée par hasard...mais ne suis pas décue du voyage que j'ai fait dans vos écrits...
merci pour ce moment plaisir
amitié
Nadine

4:55 p.m.  

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