Des vautours et une souricette
Sur les routes desséchées de nos heures, il y a des escaliers qui bousculent. Quelquefois, on fait des rencontres qui ne donnent pas l’impression de porter un sens particulier, puis le fil du temps déploie l’étoffe des possibilités et on s’aperçoit qu’il existe autre chose que les apparences extérieures. Il y a des ces filles qui m’ont surprise à travers le temps. Et qui m’ont plu aussi, amicalement. J’en connais une qui m’a tellement exaspéré, au départ, que je pensais sincèrement qu’on en resterait toujours au stade des connaissances fortuites. Je me rappelle de lui avoir dit qu’elle en faisait trop, qu’elle en demandait trop aux hommes qui l’entouraient. C’était avant que je comprenne. Cette fille porte son isolement comme si ce n’était pas lourd. Elle porte des cicatrices qui auraient tué un tigre. Pourtant, lorsqu’on la regarde elle donne l’impression d’être un oiselet, tout frêle et délicat.
Elle me touche dans sa détermination. Elle me touche parce qu’elle continue à mordre dans l’existence, malgré les coups qui auraient assommé la plupart d’entre nous. Depuis quelques semaines elle se présente devant moi drapée dans une tristesse si profonde que j’ai le cœur gros à chaque instant. Je ne pleurerai pas cette fois, non pas par orgueil, mais pour la préserver, elle. On a conclu un pacte ensemble : quand le glas sonnera l’heure dite, nous porterons un toast à l’avenir et nous pleurerons la disparition, toutes les deux. J’y tiens. Depuis quelques semaines, des gens qu’on connaît me demandent de ses nouvelles et j’en donne aussi à tous ceux qui omettent de me poser la question. Il y a des choses qu’on ne peut pas continuer de taire. Il y a des douleurs qu’il faut ébruiter. Ce qu’elle fait d’ailleurs très bien.
Elle nous raconte, sans fausse pudeur, les bassesses dont font preuve les vautours qui se sentent prêts à n’importe quoi pour avoir un peu du butin. Je la vois bien parer les vrilles à coups de gourdins, mais nous savons qu’elle finira par perdre quelques plumes, malgré toute la hargne qu’elle met à défendre ceux qu’elle aime. Elle nous raconte ses défaites de la même manière qu’elle nous racontait ses histoires de cœur qui ne la menaient nulle part. Étrangement, malgré la similitude du discours, elle a beaucoup changé. Elle ne me croit pas. Et pourtant, tous les indices sont présents pour confirmer mon impression. Elle ne me croit pas cependant elle commence à se douter que je n’ai pas complètement tort. À preuve, lorsque je lui dis qu’elle est une belle fille, elle me répond « merci » plutôt que « ben voyons! »
Sur les routes desséchées de nos heures, il y a des gens que l’on croise mine de rien et ceux-ci participeront à faire de nous de plus belles personnes. D’habitude, je n’écris pas la fin de semaine, par manque de temps. Ce matin, quand je me suis levée, il y avait un commentaire de cette fille-là, qui était triste de n’avoir rien à lire parce qu’on était samedi. Alors, j’ai décidé de vous l’écrire, pour la consoler, un peu.
C´est magnifique comme texte.. Je ne la connais pas cette Souris, mais tu sembles lui rendre un sacré hommage. Courage à toi Souris...
Je ne sais pas si c'est la fatigue du déménagement qui m'affecte et qui me rend plus sensible... mais j'ai comme beaucoup les larmes aux yeux! ;)
Moi j'la trouve extraordinairement forte cette souris, elle mérite bien ce petit hommage.
Die Sterne : Je ne crois pas que je lui rende hommage, je crois que je la décris, simplement.
Souris : Au moins, ce sont des larmes issues d'un sentiment positif.
Lew : :)
Gloire aux souris fortes.
Et gloire aux hommages rendus au bon moment.
Des souris comme çà, si fortes, j'en connais peu voire aucune. Elle mérite largement ce bel hommage. Bon courage à toi La Souris et merci Mathilde pour tes mots.
Bel hommage, en effet.