Vingt ans encore
Voici ma contribution pour le Coïtus impromptus de la semaine.
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Petite fille, je croyais qu’à vingt ans, on étaient vieux. J’étais persuadée que je serais alors femme et mère. J’ai toujours su avec qui je me marierais. Mais mon prince changeait au gré des histoires qu’on me racontait. Je croyais qu’à vingt ans, on savait déjà tout. Qu’il n’y avait plus d’inconnu, que des certitudes. Et surtout, cette liberté sans bornes échue aux grandes personnes, celle de se coucher à l’heure qu’elles veulent. Quand j’avais huit ans, vraiment, avoir vingt ans était l’essence même du bonheur. Entre cette enfance et aujourd’hui, j’ai fait un certain nombre de choix, d’erreurs aussi. J’ai une allergie profonde pour les gens qui gardent tout. Sans doute parce que j’ai eu à cohabiter longtemps avec ce type de personne qui donne l’impression, souvent, que ses souvenirs sont plus importants que les gens qui s’animent autour d’elle dans le présent. Alors j’ai jeté tout ce que j’ai pu écrire avant 1997.
Cependant, je me souviens qu’à vingt ans j’écrivais à répétition que j’étais une jeune personne que l’on ne pouvait qualifier ni d’adolescente ni de femme. Je me sentais prise entre deux. Je n’étais ni la chair ni l’écorce de moi-même. Je ne savais pas, je ne me voyais pas. Je me débattais avec des valeurs romantiques à souhait, désirant à toute force ne jamais me tromper ni dans mes choix amoureux ni dans mes choix scolaires ou professionnels. Je caressais ce rêve de réussite, en ligne droite. Je me voyais avec homme et enfants dans une grande maison. Mes chimères ont toujours rêvé d’un Prince sur son blanc destrier qui me sauverait de cette vie sans conduite. Paradoxalement, j’ai foncé vers l’inconnu, en bon taureau que je suis, donnant ce faisant l’impression que j’étais tout sauf une personne qui désire être prise en charge.
Je crois que j’avais lâché prise. Que je ne voulais pas me définir. À vingt ans, je rêvais encore au King de la récré. Même si nous ne nous étions pas vus depuis près de 10 ans. Il était mon ennemi intime, le bourreau désigné de mes heurts. Quand ce n’était pas de sa faute, j’imputais à bien des gens autour de moi, mes lacunes. Un pas dans la facilité. Pourquoi prendre la décision moi-même quand je pouvais laisser à d’autres le soin d’être responsables de toutes mes peines? Je disais que je voulais écrire, mais je me suis repliée dans un silence qui s’affirmait stratégique, quand au fond il n’en était rien. Je disais que je m’écoeurait d’écrire des histoires qui finissaient toujours par tourner autour du cœur et que je voulais apprendre à me détacher de cette écriture rose bonbon. Foutaises! Je crois que j’en ai au moins pour vingt ans encore, à raconter les mêmes histoires qui s’accrochent aux émotions, que ça me plaise ou non.
Je ne voudrais plus avoir vingt ans, malgré le fait que je croyais que la vie me réservait des tonnes de promesses, comme la nature au printemps. Je ne voudrais plus avoir vingt ans pour fuir toujours vers l’avant les symptômes qui m’ont menée au pays des zombies. Je ne voudrais plus avoir vingt ans pour attendre qu’un chevalier me délivre de ma vie. Je ne voudrais plus avoir vingt ans pour attendre simplement.
Mais quelquefois quand les heures s’effeuillent sur mon calendrier, que ma boite de réception et mon téléphone restent muets, je me rends à l’évidence que j’ai vingt ans encore lorsque vient le temps d’espérer trop fort.
Encore un joli texte, Miss. Tu peux donc continuer à espérer des commentaires de tes visiteurs ;-)) Ils n'y manqueront pas.
J'ai une question: est-ce que ça veut dire que passé la vingtaine, on n'a plus droit à l'espoir?? On ne peut pas s'être défini, mais se rendre compte que nos rêves sont encore les mêmes?? Parce que j'ai peur là!! rire!
Dda : ce n'est pourtant pas la foule ici... Mais je dois dire que sur le Coïtus, ça bien fonctionné.
Juli : tu fais de la mauvaise foi dans ton interprétation. Au contraire, je dis que l'espoir existe encore, mais que des fois, il faudrait bien que j'arrive à le rationaliser un peu.