De peines et d'été
Tu m'as dit que tu ne te comprennais plus. Je voyais bien dans le noir de tes prunelles que l'insondable était atteint. Je me sentais démunie devant tes questionnements pour lesquels je n'avais pas de réponses. Souvent, lorsque le coeur est en jeu, le rationnel fout le camp et les réponses préprogammées n'ont plus de sens. Tu te lovais dans mes bras pour me dire que tes émotions étaient plus grandes que nature, que tu le la croyais pas, que ça ne se pouvait pas qu'elle te voit comme cela. Je n'ai pas posé de question parce que je sais depuis longtemps que lorsque tu viens me rejoindre dans ma couette pour te coller contre ma peau sans rien dire, c'est que tes idées tanguent et que ton coeur est dans la flotte.
Je sais bien que tu aurais voulu pouvoir reprendre les premiers coups de la partie sur l'échiquier de cette relation. Je sais bien que tu aurais préféré pouvoir la garder dans ta vie à l'endroit où tu l'avais déniché il y a quelques années. Je sais bien que tu aurais voulu que les boussoles pointent moins souvent le nord des impossibles. Je sais que tu aurais trouvé plus simple que son opinion sur toi ait moins d'ascendant, que tu aurais préféré que ça ne te renverse pas les tripes de savoir qu'elle te juge de ne pas avoir envie de la remettre dans la case confortable des amitiés qui continuent, malgré un partage plus intime. Je sais que tu as une impression d'échec et que ça te frustre jusqu'au dégoût de toi-même.
J'ai glissé ma main dans les boucles de ta tignasse emmêlée pour attraper des poings quelques unes de tes idées noires, mais rien n'y faisait, je sentais bien que le spleen et la colère étaient les plus que présents. Je sentais bien que je n'arriverais pas à erradiquer ces douleurs que tu portes et qui ressurgissent à chaque fois que quelqu'un d'important passe le pas de ton intimité. Chaque fois que tu les regardes partir au matin en scrutant ce corps qui te déplaît si fort. Chaque fois que tu me dis que tu ne comprendras jamais pourquoi je t'aime. Comment je suis capable d'ouvrir une fenêtre sur ton inconscient et voir au delà des stigmates que tu portes en étendard, comme des couleurs vives dans un univers fané, pour ne pas nous laisser voir le décors.
Tu t'es collé un peu plus en me parlant des contradictions de ta vie. Entre ce désir lancinant d'aimer et de l'être de retour et les souvenirs de peurs qui engluent tes élans, les ancrant au sol plus fortement que le lest des mongolfières. Entre ces envies de liberté et la crainte des chaînes qui te font hésiter sur la frontière en l'amour et l'absence.
Tu te trouves étrange et complexe tandis que je crois que nous sommes tous comme toi, mais que nous ne l'exprimons pas souvent. Et ce matin, quand je t'ai laissé endormi sous mes couvertures, j'aurais beaucoup aimé porter une parcelle de ta peine et la dorer sous le soleil de l'été.
Au coin de la rue, les pompiers plantaient des fleurs tandis que je respirais un peu de ta vie, et de la mienne.
WOW! Quel superbe texte! Tellement vrai, si bien décrit!
"Je sais bien que tu aurais voulu que les boussoles pointent moins souvent le nord des impossibles."
En effet, quand il est question de magnétisme, justement...
Denis L : Heu... Merci beaucoup.
Le problème avec les champs magnétiques c'est qu'ils chiffonnent le sens de l'orientation des meilleures boussoles.
Charles : Bah, c'était pas ce matin-là, mais un précédent (hi hi hi). Et si tu ne l'avais pas dit que certaines de TES angoisses étaient dans mon texte, personne ne l'aurait su. Et puis d'abord depuis quand tu comptes les trucs que je tisse sur les lignes des silences qui nous unissent?
10%, c'est un peu trop rationnel comme nombre pour les inspirations que tu as fait naître. Ici comme ailleurs. ;-)