À l'ombre du figuier
Voici ma contribution pour le Coïtus impromptus de la semaine. J'espère que vous aurez autant de plaisir à le lire que j'en ai eu à l'écrire.
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On ne se connaissait presque pas lorqu'elle a ouvert la première fenêtre vers moi. C'était un matin d'hiver et j'avais moi-même maille à partir avec la vie. J'avais récemment pris la décision de boulverser mon environnement pour le meubler de gestes et de gens plus sain. Une amie, perdue depuis longtemps, m'avait seriné pendant des années qu'il n'est pas nécessaire de garder près de soi des gens qui nous sont nocifs, mais j'avais la culpabilité latente et les attentes impossibles. Je n'y arrivais pas. Ce n'est que quelque part au coeur de la bise que je me suis defait de mes vieux manteaux qui ne me couvraient pas correctement. J'ai troqué des couches et des couches de lourdeurs qui ne me gardaient pas du froid pour une douillette aussi légère que la plume qui, enfin, n'entravait plus mes mouvements.
Je ne sais pas si elle sait. Je ne sais pas si elle a lu mon mouvement d'humeur. Je ne sais pas si elle fait partie des quelques personnes qui sont tombées par inadvertance sur cette partie très privée de moi que j'avais égarée quelque part dans l'infini de la toile. Mais un matin, quand je me suis levée, il y avait ce texte dans ma boîte de courriel. Un texte qui parlait d'elle. Que je ne connaissais pas. Chaque détours des mots, chaque revers de phrase, me racontait une partie de son histoire. Une histoire que je n'aurais pas pu connaîte si elle ne me l'avait pas confiée comme un bijoux chargé de valeurs. Il y avait dans le tissage des lettres, quelque chose de langoureux et de lancinant, comme un chant de sirène qui nous reste en mémoire.
On ne se connaissait presque pas lorsqu'elle a ouvert cette fenêtre vers moi pour me partager non seulement une part de son univers, mais aussi, sinon surtout, une charge de ses peines. Un don de confiance vers une planète étrangère; vers une idée de confiance. Et moi je lisais ces lignes, abassourdie par cette offrande généreuse qui traversait les espaces jusqu'à moi. Alors je me suis dit qu'elle serait sans doute une des rares personnes que je regretterais de n'avoir jamais vu de visu après mes aventures sur le web, quel que soit le moment où celles-ci s'arrêteront. Avec, collé au fond de l'esprit, cette impression qu'il y avait une part de moi en elle. Que nos peines, malgré les silences qui les entourent, malgré les kilomètres qui les séparent, étaient soeurs. Un point de chute dans la douleur. Et je sentais bien que mon regard caressait les nostalgies de cette femmes comme une maman triture les cheveux de ses enfants.
Nous n'avons jamais reparlé de ce lettre qu'elle m'avait envoyée comme une bouteille à la mer. C'était inutile, nous le savions toutes les deux. Depuis ce temps, il lui est arrivé de comprendre des situations que je ne lui racontais pas, comme si ce partage d'elle vers moi avait dessiné un canal qui transcende l'espace et le temps. Et quelquefois, on se confie que l'existence n'est pas toujours tendre envers nous. Sans ajouter le superflu des détails qui ne nous mènerait nulle part. Toutes les fois où elle me dit qu'elle a mal à l'âme, j'ai envie de prendre un peu de cette douleurs qui l'enracine au réel et l'emporter jusque chez-moi, très loin d'elle.
Alors, elle me murmure qu'elle m'aime. Dans le silence de sa chambre. Alors elle me dit qu'elle m'aime et je l'entend d'ici.
Dans le silence des nuits qui me couvent, je lui fredonne que moi aussi en espérant qu'un jour, nous pourrons nous regarder dans les yeux à l'ombre d'un figuier et que les mots que nous n'aurons pas dit, seron plus forts encore que toutes les promesses que nous rêvons d'échanger.
laisse moi te dire un silence..... je sais que tu le comprendras ;)
Un bien bel hommage ! Une femme rare, s'il en est. Il est des liens qui se créent sans qu'on sache pourquoi, comment. L'important est qu'ils existent. C'est tout. Surprise de la blogosphère... de la vie.
Les peines sont tristement universelles. Au moins, tu es la preuve que peuvent ressurgir, dans ces élans mélancoliques, de belles choses.
Elle : Oui, j'ai compris :)
Dda : Ça fait longtemps que j'ai cessé de me demander pourquoi les liens existent ou pas, entre deux personnes. Je me contente désormais de les prendre et de les cajoler, près de mon coeur.
Igby : Je dirais que tu es aussi doué pour cultiver certaines amitiés. Moi je les écrit, la différence est simplement là.