Mon orgueil traînait dans la boue
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Cet été-là, plutôt que de venir au camp, elle est restée en ville pour garder des enfants. J'en ai profité pour prendre l'espace qu'elle avait toujours occupé, ou plutôt de le tenter. Mais je me suis rapidement aperçue que ce n'était pas si facile d'être continuellement de bonne humeur et d'entraîner tout le monde dans un sillage. Je me suis lassée au bout de 4 jours, laissant à d'autres le soins d'être les bouts en train. Lorsque la cloche a sonné la rentrée des classes, je l'ai vue revenir et reprendre ses vieilles chaussures confortables de la fille dont tout le monde se moque. Mais elle cessa brusquement de se mettre en colère, ce que je ne m'expliquais pas. Après les cours, je la voyais se précipiter vers la sortie pour se jeter au cou du plus beau mec que j'avais jamais vu. Et je me disais qu'elle devait avoir fait des trucs pas catholiques pour qu'un tel garçon s'intéresse à elle. C'est d'ailleurs ce que je m'amusais à répendre comme bruit. Personne ne douta jamais de ma parole. Après tout, j'étais ce que j'étais : petite reine de mon monde.
Un jour, j'ai recontré un garçon extraordinaire. Il n'allait pas dans la même école que nous : il allait dans la polyvalente adjacente. Quand je l'ai vu, je me suis noyée dans le vert de ses yeux. J'aurais donné la Lune pour lui. J'aurais fait n'importe quoi pour le garder. Et puis, Étienne m'amena dans un party chez des gens que je ne connaissais pas. Cela devait faire deux semaines que nous nous fréquentions. Lorsqu'on m'a demandé à quelle école j'allais et que j'eus répondu, des exclamations ont fusées de toutes part, joyeuses et pleine d'entrain. Et des Sophie, par ici, et des Sophie par là. À les entendre, elle était la fille la plus merveilleuse de l'Univers. J'étais interloquée, mais je ne me suis pas laissée impressionnée. J'ai alors raconté comment elle était perçue dans notre école et semé un peu de tout ce qui se disait sur elle.
J'étais en plein récit quand je me suis fait interrompre par un garçon qui devait avoir deux ans de plus que moi. Il m'a dit : « Je ne sais pas qui tu es, ni pour quelle raison tu es ici, mais il faut que tu saches que Sophie est quelqu'un de très respecté ici, c'est notre amie, une très bonne amie même. Je me fou de ce qu'on dit d'elle ailleurs, mais ici, je ne le prends pas. Tu n'es pas la bienvenue ici. Je veux que tu partes. » J'étais sidérée. J'ai cherché Étienne des yeux et il s'est contenté de me montrer la porte sans rien dire. Je me suis retrouvée sous un orage de juillet, détrempée sur le paillasson sans comprendre ce qui se passait.
J'étais encore à me demander quoi faire lorsque j'ai vu Sophie entrer dans la maison. Mon orgeuil traînait dans la boue et tous mes repères avaient disparus.
Très vrai, très beau... moi j'ai réagi au punch du milieu de texte. :)