L'invité inopportun
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La vieille maison sentait le bois brûlé tandis qu'elle raisonnait des cris de tout le monde qui s'y était réuni. La famille était grande. À un point tel que ses membres finissaient par en perdre le compte. Seule l'Aïeule savait encore faire le décompte exact de tous les enfants et petits-enfants qui se retrouvaient dans sa maison, une fois l'an. Mais comme tout le monde, elle s'y perdait quand venait lieu de faire les liens entre les invités impromptus qui finissaient toujours par augmenter le cercle des fêtard. Moi, j'essayais d'éviter les bolides qui couraient dans touts les directions pour me diriger vers mon lieu de réflexion favori. À chaque année c'était le même cinéma, quoi que j'eusse très hâte de les revoir tous je me figeais un peu une fois dans la maison, gênée soudain devant tous ces presque inconnus. Alors je m'installait dans l'escalier abrupt qui dominait la vallée en pente douce pour regarder l'hiver prendre ses droits sur la nature et, aussi, pour oberver de loin, cette famille qui m'était, pour beaucoup, étrangère.
J'en étais à me dire que mon verre était dû pour un nouveau remplissage lorsque Sylvain, ce cousin qui m'a toujours trouvé si jolie que c'en est presque gênant, s'est approché de moi accompagné d'un homme d'environ mon âge qui ne faisait clairement pas partie de la famille. Sylvain allait commencer les présentations quand j'ai pris la peine de regarder son invité que j'ai immédiatement reconnu : « Bonjour monsieur DiMarco, aie-je dit souriante, qu'est-ce que tu fais ici? » Je n'avais pas vu ce mec depuis mes années d'école secondaire. Époque lors de laquelle son année de plus que la mienne pesait lourd dans la balance. À l'époque, il faisait partie du cercle des personnes populaires que tout le monde voulait intégrer. Moi la première. Mais quoique je regardais avec envie cette élite se mouvoir avec assurance, je me refusais de l'intégrer à n'importe quel prix, surtout pas celui de mon intégrité. Par conséquence, j'étais mal perçue par ses membres et les autres élèves aussi.
DiMarco (Sébastien de son prénom) arborait un sourire condescendant toutes les fois où nous nous croisions. Il faisait régulièrement courir la rumeur que j'avais un gros béguin pour lui. Ce qui lui permettait de me regarder de haut, donnant l'impression que je lui faisait pitié, avec mon amour autant inassouvi qu'impossible pour sa petite personne. Ça me faisait enrager tellement fort que je virais rouge dès qu'il m'adressait la parole. Confirmant ainsi pour les observateurs extérieurs qu'il disait vrai. Je n'ai jamais été forte sur la vengeance, je ne la cherche pas. Par contre, je suis capable de retourner une situation à mon avantage dès que l'occasion se présente, quelquefois, après bien du temps. Dans ce party de famille où l'on fêtait à la fois Noël et le Nouvel An, je m'amusais bien de le voir si surpris de me retrouver-là, à presque vingt ans de distance. Il m'a expliqué qu'il avait été invité pour accompagner les musiciens à la basse. Je n'ai rien répondu en descendant mon perchoir pour aller chercher le vin dont j'avais envie avant que Sylvain et Sébastien ne surgissent devant moi.
Pendant que je me dirigeais vers la cuisine, j'ai entendu mon cousin dire en riant : « D'habitude elle ne mord pas! » Je savais que j'avais piqué la curiosité de Sylvain et qu'il n'aurait de cesse de me questionner tant qu'il n'obtiendrait pas une réponse satisfaisante. Mais je n'avais rien à ajouter, Sébastien était une des personnes qui m'avaient marquée et blessée durant mon adolescence et je n'avais pas particulièrement envie de causer avec lui. Point. Par contre, j'ai appris avec le temps que mes envies ne vont pas toujours dans le même sens de celles des gens que je croise. Alors je m'attendais bien à ce que Sébastien finisse par revenir me voir, quelque part durant la soirée. Le premier set de musique venait de se terminer quand il s'est glissé derrière moi en me demandant : « Tu me fuis? » « Non, aie-je répondu, je ne vois juste pas ce que je pourrais bien te dire. » Il m'a alors demandé si je lui en voulais encore pour ces épisodes de notre adolescence. J'ai haussé les sourcils de manière éloquente avant de lui répondre que j'avais autre chose à faire de ma vie que de concentrer ma rancoeur au sujet de personnes que je n'avais pas ou peu de chances de recroiser dans ma vie. Ça l'a scié. Il n'avait plus rien à ajouter.
Comme cette absence de possibilité de discussion commençait à me peser, je m'apprêtais à changer de place quand il m'a lancé tout à trac : « À l'époque, j'étais très amoureux de toi ». Alors, je l'ai regardé bien droit dans les yeux pour lui rétorquer : « Ça Sébastien, je l'ai toujours su. »
Libellés : Coitus impromptus
Quelle belle chute! ;)