jeudi, janvier 11, 2007

Le chien de mon dentiste

Voici une nouvelle contribution pour le Coitus impromptus que je vous partage. Bonne lecture!

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Lors de notre première rencontre, j'avais épluché les pages jaunes pour trouver un endroit où je pourrais faire traiter une rage de dent un dimanche. J'étais dans mon petit appartement, à laisser couler mes larmes de douleur en me disant que c'était cuit et que je serais sans doute bonne pour endurer l'innommable toute une journée et toute une nuit encore, quand j'ai vu cette annonce d'une clinique dentaire privée qui fournissait des services d'urgence même le dimanche. J'ai donc téléphoné en vitesse et j'avais un rendez-vous deux heures plus tard, à l'autre bout de la ville. Ce qui me donnait le temps de me rendre, tout juste. La clinique en question était située à l'autre bout de la ville et les services de transport en commun, dans cette bourgade, passablement aléatoires le dimanche.

Je suis donc arrivée sur place avec la joue droite complètement enflée, et un mal de crâne à faire jurer un saint. La dame de la réception a jugé que mon cas était effectivement une urgence et je n'ai pas attendu du tout. Me voilà donc amenée dans le fond de la clinique où une technicienne bête comme ce n'est pas permis m'a accueillie de son air revêche, me faisant clairement sentir qu'il lui déplaisait fortement de travailler un dimanche. J'avais tellement mal que je ne pensais plus vraiment alors je me foutais un tantinet de ce bull dogue rébarbatif. Bien installée sur la chaise du dentiste, j'ai observé avec attention l'entrée en scène du spécialiste. Fort bel homme, au demeurant. Il m'a regardé la bouille, trituré la dent jusqu'à m'en faire gémir avant de conclure que j'étais arrivée juste à temps pour éviter le traitement de canal. Aidée de son assistante, il s'est donc mis à me jouer dans la bouche.

À sa grande surprise, je n'ai rien dit lorsqu'il a enfoncé son énorme aiguille dans ma maxillaire inférieure. Et dès que l'anesthésique a fait effet, je me suis nettement détendue. Le dentiste me regardait d'une manière étrange. Je n'avais certainement pas le type de comportement qu'il est habitué à voir sur sa chaise. Et je me suis mise à rire dès qu'il a commencé à travailler sur ma dent endolorie. Au début, il croyait que je pleurais jusqu'à ce que je lui dise, comme faire se pouvait, que ses instruments me chatouillaient. Je crois que je n'ai jamais autant surpris quelqu'un que cet homme cette journée-là. Il a fait son boulot jusqu'à faire de ma dent quelque chose d'acceptable. S'arrêtant de temps à autre, pour me laisser le temps de calmer les fou rires qui l'empêchaient de travailler convenablement. Lorsque son ouvrage a été terminé, nous avons, ensemble, regardé l'étendue des dommages d'un manque évident de soins sur ma dentition, et pris de nouveaux rendez-vous pour me refaire une santé dentaire.

Quelques mois plus tard, alors qu'il mettait un terme à toutes les heures de travail que ma bouche lui avait procuré, il m'a annoncé qu'il quittait la région sous peu et qu'il ne serait plus mon dentiste attitré. J'étais un peu triste parce qu'il travaillait bien, mais je n'avais pas l'intention de passer une autre année à m'asseoir sur une chaise de dentiste presque à tous les mois. Il m'a laissé partir en me disant que j'avais été sa patiente favorite durant la dernière année à cause de cette joie de vivre qui émanait de moi et de tous mes rires généreux et sans contrainte sur sa chaise. Il m'a fait promettre que je ne changerais pas.

Les années ont passé et j'ai moi-même changé de ville. Un jour que j'étais tranquillement en train de lire au Parc Lafontaine, sous une brise printanière réconfortante, j'ai entendu une voix connue m'interpeller. Levant les yeux j'ai vu le visage souriant de mon dentiste tout heureux de me voir. Rapidement, j'ai constaté qu'il n'était pas seul. Il était accompagné d'un gros maudit jeune chien pas éduqué qui se faisait une fête de cette rencontre amicale. Mais moi j'ai figé. Je n'ai peut-être pas peur des aiguilles et autres outils chirurgicaux, cependant, j'ai une peur bleue des chiens. Je me suis donc enfuie sans demander mon reste. Laissant derrière moi un dentiste fort perplexe.

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2 Commentaires:

Blogger Marc-Alex s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Alors qu'il te pensait une femme courageuse avec une certaine admiration, tu te sauves de sa présence ayant peur de son chien ! Il a du se demander plus d'une fois qu'est ce qui s'était passé durant son absence.

5:39 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ce qui résume assez bien ma vie en fait... J'ai toujours l'air plus tough que je ne le suis et ça créée certaines surprises.

Et bienvenue sur mes sentiers, en passant.

10:15 a.m.  

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