mercredi, février 07, 2007

La morsure du froid

Il faisait froid, la nuit enveloppait la ville. Sous les lampadaires aux éclats tremblotants, ont pouvait voir les rafales soulever la neige usée par les pas des passants. Sur le coin d'une rue, perdue sur la limite de Rosemont, j'avançais le plus rapidement possible à la recherche du prochain abris bus. La température extérieure frôlait l'impossible. Sous mes jeans, mes cuisses accusaient la morsure du froid. Je sentais ma peau s'ouvrir sous les assauts venteux et ma chair me tenaillait. J'avais mal aux joues et mes yeux coulaient comme si je pleurais ma plus grosse peine de l'année. À l'horizon, aucun taxi. J'avançais donc, contre le souffle de l'hiver pour ne pas me transir davantage. Lorsque je vis l'autobus à quelques arrêts de moi, j'ai cru mourir de soulagement. Je suis montée en grelottant, sous le regard compatissant de la conductrice. À peine avais-je réussi à me réchauffer qu'il me fallait redescendre pour atteindre mon logis. J'ai parcouru les quelques cinq cents mètres qui me séparaient de ma demeure, prestement, sans trop en faire cependant parce que les bourrasques me coupaient le souffle lorsque je ne m'y attendais pas.

Une fois à la maison, j'ai troqué mes jeans pour une culotte de pyjama en flanellette pour constater, en cours de mouvement, que mes jambes, mordues par la froidure intempestive de cette nuit d'hiver, laissaient voir des traînées sanguinolentes, conséquences évidentes de la bise qui sévissait à l'extérieur. J'avais la peau marbrée, l'épiderme glacé. J'ai voulu hurler en me crémant, tellement mon corps était gelé. Mais je devais rester le plus silencieuse possible parce que les autres occupants de mon appartement étaient déjà lovés dans les bras de Morphée. N'en pouvant plus de cette impression de froid qui ne voulait pas me sortir du corps, j'ai allumé le chauffage dans le salon pour la première fois de l'hiver. Il faut dire que la température extérieure avait dépassé le moins 35 celsius et que l'intérieur devait se situé autour de 10 degrés. J'ai fait du chocolat chaud, en tremblant devant le fourneau, certaine que je n'arriverais jamais à me réchauffer, mes larmes sillonnant mes joues tellement je sentais l'inconfort de mon propre corps. Il va sans dire que cette nuit-là, je n'ai pas ouvert ma fenêtre avant de me coucher.

À mon réveil, le lendemain matin, j'ai immédiatement reconnu la sensation du sang séché sur mon visage, mon nez, peu habitué au chauffage électrique, avait laisser ses vaisseaux éclater. J'ai toujours détesté ces réveils. Je m'y sens totalement sale, crottée comme si j'avais passée la nuit à me rouler dans la boue. Évidemment, l'étendue des dégâts se mesurait aussi sur mes oreillers et dans mes couvertures, maculés de taches brunâtres. J'ai secoué mon corps bien décidé à me laver le visage, pour commencer et voilà que je constate qu'il n'y a plus d'eau dans l'appartement. Les conduits étaient gelés. Plus d'eau, sinon un mince filet d'eau froide. Plus froide que froide en réalité. Impossible donc de prendre une douche ou de faire du lavage : l'hiver avait pris possession de mon logis. S'ensuivit alors une valse de chaudrons sur les ronds du four, nous ramenant à une époque durant laquelle se laver relevait des travaux herculéens.

Après avoir été avisés de la situation, les propriétaires nous ont envoyé un plombier qui a mis en oeuvre de dégeler la tuyauterie. Mais voilà que l'usure s'est mise de la partie et en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, un déluge nous est tombé dessus dans la salle de lavage. Nous n'avions plus envie de rire. Malgré tout le ridicule de la situation. Des trombes d'eau coulaient du plafond pendant que le plombier courrait fermer les entrées d'eau de tout l'édifice. Une heure et demie plus tard, la situation était réglée mais notre salle de lavage avait l'air d'un marais puant.

Deux jours de froid mordant dans un hiver particulièrement doux. Deux jours seulement. J'ai pourtant toujours aimer mon coin du monde justement parce que ses climats diversifient mon quotidien. Honnêtement cette année, je me serais bien passée de la morsure du froid.

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7 Commentaires:

Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Là, je voudrais tellement que ce soit de la fiction... mais j'en ai pas l'impression.

Comment vont les engelures?

10:29 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Merci Mathilde! Grâce à toi, je me sens beaucoup moins seule.

(C'est quand même beaucoup plus drôle quand ça arrive aux autres, non?)

8:33 p.m.  
Blogger La Dame du Lac s'est arrêté(e) pour réfléchir...

C'est vraiment terrible comme situation!! o_o J'espère que tout va bien maintenant!!


Yuck, je comprend donc...je passe mon temps à saigner du nez de ce temps là....

6:33 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Souris : Les engelures ont été traitées dans un bain d'huile. Ma peau m'appartient de nouveau!

Galad : Tu peux le dire : c'était beaucoup moins souffrant quand je lisais tes mésavantures chez le dentiste que lorsque je l'ai vécu moi-même.

Laurie : Ah? ton petit nez fragile refait des siennes?

8:57 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Hahaha Mathilde!
C'est vrai que je gèle beaucoup moins facilement chez le dentiste que chez moi!
Brrrrr....

10:00 a.m.  
Blogger La Dame du Lac s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Il est terrible. C'est un nez FAIBLE!

Ça m'étonne d'ailleurs que ce soit jamais arrivé à la librairie. (mais 2 fois au studio, étrangement)

12:08 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

je crains moins le froid (quoique -35°, j'ai jamais testé) que la chaleur, mais là, je compatis. Franchement y a des limites au supportable, même temporaire ;-)

7:21 a.m.  

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