mercredi, mars 14, 2007

Les yeux verts

Deux yeux verts me regardaient. Intensément. Comme si j'avais été victime d'une transformation subite. Et pourtant, je n'avais pas changé. J'étais la même que la dernière fois où ce regard s'était posé sur moi. Un peu ronde, avec des pommettes rondes cachant mes yeux si petits derrière les sourires et les rires qui éclosent sur mon visage. J'étais la même, mais dans ces yeux taquins je me voyais aussi différente qu'ils me percevaient. Je me suis tournée vers mon verre pour chasser le malaise. Sans grand succès. J'ai sorti un cahier pour me donner une contenance. Je me sentais beaucoup trop seule pour affronter la foule environnante. Je ne voulais pas trop avoir l'air disponible pour une conversation. Il y a des moments où la fuite est encore le seul moyen que je connaisse pour arriver à survivre. Des moments durant lesquels je ne sais plus que faire de ma peau. Des moments au cours desquels je rêve de devenir transparente. Et je savais que si je quittais l'endroit à ce moment précis, beaucoup de gens en seraient étonnés. Je savais que j'aurais droit à des slaves de questions à la première occasion.

Gribouillant à la fois dans mon cahier et dans le livre de mots-croisés qui ne me quitte pratiquement jamais, je ne prêtais plus attention aux personnes qui m'environnaient. Je faisais bien attention à ne pas boire mon breuvage trop rapidement afin d'éviter les déplacements que ma vessie ou mon gosier m'auraient imposés. J'avais le sentiment d'être tombée dans une pièce rétrécissante, entre moi et les yeux verts l'espace devenait de plus en plus petit quoique ni l'un ni l'autre ne nous étions déplacés. Je replongeais dans mes cahiers, faisant comme si je ne voyais pas le salut qu'un homme au bar m'adressait. Je ne voulais pas du tout être en contact avec le monde extérieur à mon âme. Drapée dans une attitude asociale. Il y a des moments durant lesquels même les plus jolis compliments me donnent la frousse. Il y a des moments durant lesquels je n'ai pas envie que quiconque me trouve belle. Il y des moments durant lesquels je voudrait bien que la téléportation existe pour que je puisse simplement disparaître et annihiler le temps.

J'en étais à terminer mon verre et à me dire qu'assez de temps s'était écoulé pour que je puisse ramasser mes affaires l'air de rien quand il s'est laissé choir sur la chaise à mes côtés. Toujours ce regard bizarre que je ne lui avais jamais vu jusqu'alors et qui m'était réellement destiné. Je ne pouvais le nier, sans la foule entre nous pour me permettre de croire que je me faisais des idées. Prise au piège de sa présence encore muette, je lorgnais le verre vide qui ne pouvait plus me donner de contenance. Il a agité la main tandis qu'un serveur s'empressait de me rapporter la même chose que je consommais depuis le début de la soirée. « Alors, qu'est-ce que tu en as pensé? Me demandait-il. J'aimerais avoir ton opinion franche sur ce que tu viens de voir. » Je lui ai répondu le plus honnêtement possible. Décrivant les bons et les moins bons moments. Quitte à voir ses sourcils se froncer lorsqu'il me trouvait un peu trop sévère. Nous avons été interrompus, plus d'une fois, par des gens qui le connaissent et qui me toisaient d'une manière intriguée, comme si je n'étais pas digne d'accueillir cet homme à ma table. Comme s'il me faisait une faveur incroyable, moi qui n'avait strictement rien demander. Et il disait à ces importuns qu'il irait les voir un peu plus tard. Ce qu'il ne fit pas. D'un sujet à l'autre la discussion s'est étirée, changeant de cap et de rythme à tout instant. Entre les rires et les confidences un peu plus sérieuses, la place s'est tranquillement vidée. J'ai oublié que je pouvais avoir envie de fumer une cigarette. Le temps s'est écoulé à une vitesse folle.

Je suis partie le coeur gonflé. En me disant que je me racontais sans doute une des chimères dont j'ai le secret. En me disant qu'il était un grand charmeur et qu'à la prochaine occasion, il ferait le même coup à une autre fille. Et pourtant, depuis ce temps, il s'installe souvent devant moi lorsque nous nous croisons, pas vraiment par hasard. Il a pour moi une petite touche de plus que pour beaucoup de filles qui se trémoussent sous le vert de ses yeux. Et j'ai appris par expérience qu'il vaut mieux pour moi de ne pas trop laisser traîner mes objets personnels devant lui, lorsque je m'absente quelques minutes, sous peine de les retrouver remplis de petites notes idiotes qui me font sourire et rougir quand je les aperçois.

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4 Commentaires:

Blogger Juli s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Mouhahaha!!!

Tu sais quoi?! Je peux maintenant laisser des commentaires!!!!

Party!!!

1:16 p.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Vérité ou fiction... il semble adorable. Fait tout de même attention, derrière le charme se cache trop souvent quelques imperfections pas toujours drôles... Mais bon, j'aurais tout de même aimé être un espion ;)

8:46 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Juli : Tu peux ben rire!

Alex : Les mises en garde, je me les sert régulièrement moi-même. C'est sans doute pour cette raison que je cultive un jardin de doutes.

12:26 p.m.  
Blogger Cartouche s'est arrêté(e) pour réfléchir...

J'ai pas rap, Mathi, mais tu ira voir sur mon blog, j'ai une surprise pour toi...

Bon, je sais pas si j'ai (un peu) réussi mon coup, mais je le trouve pas pire!

10:21 p.m.  

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