lundi, février 19, 2007

La portée du geste

Elle était venue me rejoindre, les yeux brillants de plaisir. Prenant un temps fou pour circuler entre les tables prenant lentement le pouls de la salle. On aurait dit que tous les beaux gars de Montréal s'étaient donné rendez-vous dans ce petit bar de quartier. Dans cette foule, elle brillait de tous ses feux. Pas tellement qu'elle se trouvait belle, c'est une donnée qui lui est plutôt étrangère. C'était le plaisir de regarder qui la rendait si séduisante. Sa discussion en pâtissait un tantinet, mais je n'allais pas lui en vouloir pour si peu. C'était une de ces journées où elle avait des antennes à beaux garçons. Elle les voyait tous. Et se repaître du spectacle muet qu'ils lui offraient semblait être, en soi, la meilleure des récompenses.

« Ne te retourne pas tout de suite, il a un chandail bleu, juste un peu sur ta gauche. Il est absolument PARFAIT » M'a-t-elle assurer à un moment de la soirée. J'ai regardé dans la direction indiquée. Mais je ne voyais pas du tout, évidemment. Il y avait bien un mec avec un chandail bleu, mais jamais je n'aurais dit qu'il était beau ni même joli. Mais elle était pâmée. Elle y revenait sans cesse. La couleur de ses cheveux, l'agencement du chandail avec le pantalon, la façon de rire. Je m'amusais bien de la voir, frétillante devant moi, à lancer des regards qui se voulaient discrets dans sa direction. Nous avons changé de place plusieurs fois dans la soirée et toujours elle s'arrangeait pour être face à lui. De cette manière, elle pouvait continuer à le zieuter innocemment tandis qu'elle donnait l'impression d'écouter ce que je lui disais. Ce qu'elle faisait du mieux qu'elle le pouvait, dans les circonstances.

Je la connais alors je voyais bien germer dans sa broussaille un plan. Lequel, je n'en n'avais aucune idée. Mais à voir l'éclat brillant de ses yeux elle avait clairement quelque chose en tête. D'habitude, ça l'enrage un peu quand je connais plein de gens dans un bar et qu'elle n'y connaît pas grand monde. Elle me dit souvent qu'elle a l'impression que nous ne sortons jamais seules toutes les deux et que c'est toujours elle, moi et tous les gens que je connais, particulièrement les hommes. Même durant les périodes les pires de mon estime personnelle, j'ai ce talent pour récolter les bonjour chaleureux et les sourires de la gent masculine. Alors souvent, des hommes s'arrêtent à ma table pour me saluer. Le plus souvent parce qu'ils trouvent ma discussion intéressante. Ça ne fait pas de moi une séduction potentielle, simplement une femme à qui il est sympathique de dire bonsoir. C'est du moins, ce que je me fais croire. Ce soir là, par contre, elle semblait ravie de me voir distraite par différentes personnes. Ce qui avait tout lieu de m'étonner.

Lorsque les serveurs sont passé pour nous dire que c'était le dernier service, nous avons décidé, d'un commun accord, de le décliner. Histoire de nous donner une raison d'être fières de nous le lendemain matin de ne pas avoir fermé le bar, pour une fois. Je la voyais s'impatienter devant moi pendant que je finissais de ramasser mes trucs et j'allais lui dire que je n'en avais plus pour longtemps quand elle m'a dit, sur un drôle d'air: « Tu ne vas pas saluer tes amis? » Je l'ai regardée bizarrement en questionnant : « Tu tiens à ce que je le fasse? » Elle a acquiescé. Alors j'ai traversé la salle pour faire mon oeuvre de politesse et c'est là que je l'ai vue se diriger droit au bar et se planter devant le mec au chandail bleu. Elle lui a toqué sur l'épaule, deux petits coups. Lui s'est détaché de la conversation qu'il avait avec deux amis pour se retourner vers elle : « Désolée de te déranger, qu'elle a dit, je voulais simplement te signifier que t'es vraiment le plus beau gars que j'ai vu de la soirée. C'est tout, fallait juste que tu le saches. » Le gars en question s'est mis à rougir comme une pivoine et ses amis ont éclaté de rire. Elle, elle a tourné les talons et est venue me rejoindre à la porte, toute souriante.

Depuis ce soir-là, j'ai souvent revu le mec, de loin, dans le même bar. Toutes les fois où il me voit passer il la cherche du regard. Et je le vois hésitant à venir l'aborder comme elle l'avait fait il y a quelque temps.

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7 Commentaires:

Blogger La Souris (Marie-Ève Landry) s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Wow, cette fille est mon idole!

7:25 p.m.  
Blogger Rosie s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Très bon texte.

Se sont-ils rejoints finalement?????

À quand la suite, si suite il y a????

J'aime bien venir te lire.

@ plus

8:48 p.m.  
Blogger Cartouche s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ah caline qu'y s'en passe des affaires depuis que j'ai pu une cenne pour sortir avec vous... Tabarnouche!

11:50 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

La Souris : C'est pourtant pas si difficile d'aller voir un gars pour lui dire qu'il est beau, sans rien attendre en retour. Honnêtememt, je crois que le geste a fait la soirée dudit mec.

Rosie : Tu apprendras à me lire que mes textes sont souvent à cheval entre la réalité et la fiction. Celui-ci ne fait pas exception.

Cartouche : C'est pas comme si on était sorties si souvent depuis!

12:34 p.m.  
Blogger Jenniko s'est arrêté(e) pour réfléchir...

À la fin de ton texte, j'ai fait «oh»!!! Je crois savoir de qui tu parles et qui est le mec en question, et ça me fait sourire.

C'est une bonne façon d'aborder les gars, dans leur ensemble, car tu les désarçonnes. Ils en viennent complètement désemparés, et de ce fait, tu es la femme mystérieuse dont ils veulent en savoir plus. Chapeau!

... Mitaine! Foulard!

2:58 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Jenniko : tu as certainement vu juste.

Et j'ajouterais : cache-oreilles.

9:36 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Waouhh ! Quel stratégie ! Bien observée, bien rendue. J'admire ;-)

7:07 a.m.  

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