vendredi, avril 06, 2007

Sur les rides des illusions

« J'en ai assez de son amour infini, de ses questions qui reviennent sans cesse, comme si à force de temps, je finirais par changer d'avis. C'est lourd. Trop lourd. »

Sagement assise à côté de sa mère dans un autobus bondé, l'enfant avait capté cette réflexion. Et avait pensé qu'elle ne pourrait jamais dire une chose pareille. Après tout, elle avait soif d'amour. D'un grand amour qui vous massacre le coeur. Un tantinet princesse, elle croyait fermement que tout amour dans sa vie serait le bienvenu. Qu'elle ne rejetterait jamais une telle offrande. Quand on a dix ans et que tout ce qu'on connaît de l'amour c'est ce que que nos parents nous on prodigué toute notre vie, on est certaine d'être assez sage pour comprendre qu'on ne repousse pas un sentiment aussi réconfortant que la main d'une maman.

Quelques quinze ans plus tard, elle savait à quel point l'enfant qu'elle fut se trompait. Elle savait que tout amour n'est pas bon à consommer. Lasse de la maudite culpabilité qui lui rongeait les arêtes du coeur. Lasse de répéter sur tous les tons « je ne t'aime pas ». Écoeurée jusqu'à la vomissure de voir ces yeux la regarder comme si elle était la huitième merveille du monde. Plus capable de voir ses soirées s'échoir sur les récifs des reproches qu'il lui adressait. Elle était devenue un fantasme. Figure emblématique d'une obsession qui tournait en rond. Enragée de constater qu'il ne l'écoutait pas. Qu'il l'avait jamais écoutée. Qu'il lui inventait une personnalité, des intentions, des aspirations qu'elle ne reconnaissait pas. Qu'il se convaincait à force d'arguments bidons qu'en réalité, ils avait une multitude de points communs et que si seulement elle pouvait passer par dessus son apparence physique à lui, elle serait à même de découvrir la richesse de ce qu'ils pourraient partager.

Elle avait appris à la rude école de l'expérience que le rejet laisse des marques indélébiles sur l'estime de soi. Elle savait mieux que personne qu'il y a un million de façons de tuer quelqu'un. Elle ne voulait pas devenir une meurtrière. C'est ainsi que malgré la lourdeur, malgré la pesanteur, malgré ses ailes écorchées jusqu'à l'os, elle rongeait son frein, endurait l'horreur quasi quotidienne de ce harcellement moral qui la minait. Elle refoulait les larmes d'impuissance qui lui montaient au visage, gardait le sourire pour la galerie. Jusqu'à se retrouver chiffonnée sur le sol froid de l'hiver qui tapissait son coeur, épuisée jusqu'à l'âme. Jusqu'à ce que le minuscule fétu d'essence vital qui brillait encore faiblement dans ses prunelles, menace de s'éteindre à son tour. Avec la peur vrillée au ventre. Une peur qui lui faisait faire de larges détours pour ne plus le voir. Une peur qui faisait trembler tous ses membres toutes les fois où il s'imposait sans hasard. Une peur qui la dégoûtait d'elle-même.

Alors elle avait puisé dans tout ce qui lui restait de désespoir pour crier « Basta »! Elle avait hurlé jusqu'à déchiqueter ses cordes vocales. Elle lui avait dit « Tu ne m'aimes pas! Je ne t'aime pas. Tu me donnes la nausée, tu me fais peur. Je te déteste jusqu'au plus profond de mes tripes et si tu ne sors pas de ma vie immédiatement, je vais porter plainte contre toi pour harcellement. Je vais dire que tu es complètement fou et déséquilibré. Je vais cracher sur toi assez longtemps pour que tu comprennes tout le mal que tu me fais. Je vais te piétiner sauvagement, pour te défigurer. Je ne pense pas que tu puisses comprendre qu'on n'aime pas les gens en essayant de les emprisonner comme tu le fais. Mais je sais que je ne suis plus capable de voir ta face, ton nom ou tes commentaires dans ma vie. À partir de maintenant, si tu viens à un endroit où tu sais pouvoir me trouver, je vais demander aux autres gars de te sortir de là. Je vais considérer que c'est une tentative de viol sur ma personne. Tu voulais que je t'aime? Eh bien tu t'es fourré le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Désormais je te déteste. Et je vais te détester jusqu'à la fin de ma vie ». Il l'avait regardée sans comprendre. Il lui avait demandé s'ils pouvaient aller prendre un café pour en parler calmement. Elle s'était contentée de tourner les talons et de mettre toutes ses menaces à exécution.

Depuis, elle a réalisé qu'il y a des gens dans la vie avec lesquels il vaut mieux éviter d'être gentil.

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2 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Quelle ambiguité dans ce texte...
Qui est cet homme, qui sont ces hommes qui s'aiment aux dépends des autres?
Dur, dur.

9:25 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Anonyme=Miche, erreur de frappe

9:27 a.m.  

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