lundi, avril 16, 2007

Un petit goût de fer

J'ai un drôle de rapport à la colère. Elle me fait peur. Les cris enragés de quelqu'un qui se met dans tous ses états, pour haranguer un quelconque personnage de son environnement, me gèlent. Ça me prend aux tripes et me cloue le bec. Incapable de rien dire. Je me sens rétrécir à l'intérieur de moi. Paradoxalement, je l'ai souvent utilisée à mes fins. Où plutôt, j'ai cru l'utiliser. Quelquefois, je dois le dire, je réussissais à la contrôler, à la canaliser pour faire quelque chose. Cette colère était généralement sourde et froide et ne me concernait pas directement. Quand elle me servait à défendre les intérêts d'un ensemble de gens. Lorsque je décriais une injustice et que je n'étais que peu ou pas concernée par l'objet de mon ire. Mais la plupart du temps, je n'utilise pas la colère à bon escient. En réalité, c'est moi qui suis son vecteur.

La colère des autres me fait peur. Celle qui est dirigée contre moi, en particulier. Lorsqu'elle s'acoquine à la mesquinerie, souvent latente dans ces explosions, je sens monter en moi l'irrationnelle panique. La perte totale de contrôle. Généralement, je réponds sur le même ton que la personne qui me vilipende, ce qui n'améliore pas la situation. Trop souvent, je me laisse emporter par l'adrénaline qui boue dans mes veines, trouvant les défauts dans la cuirasse de mon interlocuteur simplement pour faire mal. Le plus mal possible. Et j'y réussi, malheureusement, souvent. Peu m'importe, sur le coup, que mes paroles dépasse ma pensée, peu m'importe que mes gestes soient violents. Tout ce qui compte, c'est de gagner. Mais gagner quoi? Une joute à finir sur un sujet souvent absurde? Un point pour mon orgueil? Un mal de gorge? En fait, je tente le plus souvent de faire plier l'autre. Quand j'ai atteint mon but, il est rare que je sois satisfaite. Parce que la culpabilité entre en scène. Et je réalise que je ne suis, au fond, qu'un petit monstre manipulateur. Et, au bout du compte, tout le monde est malheureux.

Crier jusqu'à plus soif, comme si la hauteur de ma voix viendrait confirmer les signes de mon inutile victoire. Je sais que la colère est un vilain défaut. Je tente donc ne ne plus la laisser me submerger, avec les ratées qui s'imposent. Ma dernière grosse colère remonte à Noël. Perte de lucidité, dérapage violent sur les rives des mots qui ne font que blesser. Hurlements à projeter un innocent dans le Néant. Les tremblements inconstants de mes cordes vocales. Je n'en suis pas fière. Je ne peux pas revenir en arrière ni effacer ce que j'ai dit. Mais je peux tenter de comprendre pourquoi je me laisse happer par ces tornades émotionnelles. Apprivoiser le fait que j'ai pensé, pendant des années, que la colère était la force. Sans doute parce que mes parents étaient tous les deux sujets à ces emportements. Apprivoiser le fait que j'ai un jour choisi la colère plutôt que la peine, mais qu'en tentant de me dissimuler la douleur, j'ai laissé la panique prendre le pas sur mes colères et que j'étais encore plus démunie devant la vie que si je n'avais fait que pleurer. Apprivoiser le fait que je déteste qu'on me crie après et qu'il y a de bonnes chances pour que mes interlocuteurs n'aiment pas cela non plus.

Dans les dernières semaines, j'ai senti plus d'une fois la l'onde colérique remonter mes nervures émotives. Je me suis vue perdre pied avant d'avoir dit une parole. L'envie de mordre plus forte que la raison. Ce désir de déchiqueter l'adversaire en minuscule morceaux à grands coups de gueule. J'ai essayé de prendre mon souffle plutôt que de laisser aller le raz-de-marée. Je me suis mordu la langue très fort. J'ai ravalé l'impulsion. Je me suis contentée de toiser la personne qui me faisait mal ou encore pire, faisait du mal à quelqu'un que j'aime. Je ne suis pas intervenue dans ce qui ne me concernait pas. J'ai regarder d'autres personnes se débattre avec cette colère que je ne connais que trop bien. Pour enfin assimiler que si je ne la laisse pas chambouler toute ma vie, elle n'est pas si apeurante que cela.

Je crois que j'ai encore beaucoup à faire pour ne plus me laisser dérailler dans ces émotions négatives. Je ne pense pas avoir totalement vaincu mes vieux réflexes confortables. Aujourd'hui, j'ai encore un goût de fer sur le bord de mes lèvres, mais au moins, je n'ai plus de sang sur les mains.

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3 Commentaires:

Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Chère Mathilde, ne lâche pas cette vertue nouvelle que tu tentes de cultiver. Je t'admire pour cela. J'aimerais tout de même ajouter que je crois que la colère peut être parfois bénéfique, voir salvatrice. "Faire sortir le méchant" (sous forme de colère ou de larmes) est aussi important que de contrôler le raz-de-marée, je crois.

1:49 p.m.  
Blogger Cartouche s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ah, je suis d'accord avec Alex: refoule pas trop, là...

12:01 a.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

À tous les deux : On se calme ici, je n'ai pas l'intention d'essayer de faire une sainte de moi. J'essaie simplement de ne pas me laisser mener par le trop plein. Ce qui signifie aussi pleurer lorsque c'est le temps et dire que quelque chose me choque, lorsque ça arrive.

Je ne veux certes pas refouler. Je sais que l'explosion qui suit les refoulements est bien trop déraillante pour vouloir m'y risquer. ;)

9:14 a.m.  

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