mardi, novembre 18, 2014

L'arbre à sorcières

Elles étaient aussi dissemblables que possible. L'Une mince, élancée, posée et portant sur le monde un regard assuré. L'Autre, petite, ronde, noire et portant en elle plein d'éclats de maux.

L'Une avait la faculté de deviner une grossesse au premier regard, de mitonner des sucreries qui faisaient enfler la panse de ceux qui croisaient sa chaumière. Elle ne le faisait cependant pas pour dévorer ses proies. Elle le faisait beaucoup plus simplement pour le plaisir de voir des visages s'épanouir de bonheur lorsqu'ils croquaient un fruit défendu. Son truc à elle, son pouvoir magique, c'était de créer une certaine harmonie dans beaucoup de rires. Elle avait cette faculté savoir quelles images, réelles ou imaginaires, pourraient faire exploser de soleil le cœur de ceux à qui elle les présentait.

L'Une était une bien gentille sorcière, même si d'aucuns vous diraient qu'elle avait de le bleu de l’œil cet appétit pour pour ses semblables, laissant présager que, peut-être, elle pourrait un jour se muer en ogresse, histoire de voir si toutes les saveurs qu'elle avait su inventer, pourraient être goûteuses sous la peau de ses concitoyens. C'était une femme entière, enjouée, sans compromis ni concession. C'était une femme comme il s'en fait peu.

L'Autre était davantage de colère et de doutes. Sans être taciturne ou continuellement explosive, elle avait l'équilibre hasardeux. C'était une femme qui connaissait les fêlures de l'âme, de celles qui laissent des marques permanentes. On la voyait se promener accompagnée de sa grande chienne jaune, celle qui trahit un penchant pour la censure intérieure. C'était une femme bien courageuse que l'on pouvait apercevoir se promener sur la frontière du pays des zombies jusqu'à voir les tréfonds de l’œil de sa tempête. Et quelquefois, elle tendait la main pour secourir un être esseulé qui s'y mirait dangereusement, avec le succès mitigé que ce genre d'entreprise présuppose.

L'Autre avait un talent singulier pour attirer ceux qui jalonnaient sa route dans un cocon de confidences et de vérités. Son talent tout particulier était de savoir lire les silences, même les plus tenaces. Elle les écoutait, les cogitait, les dépeçait et vous les renvoyait en pleine tête, l'air de rien lorsque vous vous y attendiez le moins. Cette faculté de trouver exactement les mots que vous n'aviez pas dit et de les retransmettre abruptement, la rendait, disons, singulière. Elle était un petit bout de femme, entêtée, passionnée, excessive et terriblement humaine. En somme l'Autre était tout aussi unique que l'Une.

Elles étaient aussi dissemblables que possible, mais partageaient un bien grand secret. Elles avaient toutes deux poussé sur le tronc d'un arbre à sorcières. Un arbre de sagesse et de cœur. Un arbre qui leur avait enseigné à regarder juste un peu plus loin que le bout de leur nez lorsqu'il s'agissait de s'intéresser à autrui.

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1 Commentaires:

Blogger Unknown s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Joli l'arbre à sorcières. Je cherche qui elles sont, toutes les deux te ressemblent à part lescsucreries bien sûr

7:05 p.m.  

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