Macadam tribut
J'ai passé les dernières
années à dire que j'étais une droguée de la Première chaîne.
J'ai toujours aimé apprendre. Faute de bancs d'école, je me suis
rabattue sur cette radio qui me garde en contact avec la culture,
l'humanité, la politique et tous les autres sujets qu'elle sait
aborder.
Mais voilà que depuis deux semaines, je me suis débranchée. Je me love dans une voix qui m'émeut ou m'achève et j'écris jusqu'à plus soif. Je ne prends plus le temps d'ouvrir la télé et la radio ne m'intéresse plus autant. J'ai mieux à faire. Me relire, pour commencer, et lire ailleurs, des choses que je n'ai jamais lues. Ce qui tranche nettement avec le régime que je m'imposais jusqu'à très récemment.
Pour ne pas complètement être déphasée de la société dans laquelle je m'inscris, je me force cependant à écouter la radio au réveil. C'est ainsi que j'ai appris, avec un peu de retard, le décès de Jacques Bertrand.
Il a fait partie de ces
animateurs qui m'ont réellement allumée, sortie de plusieurs de mes
torpeurs, particulièrement à l'époque de Macadam tribus. Un
soir où je revenais d'une consultation quand j'errais au pays des
zombies, je passais devant un cimetière en écoutant cette émission
et j'ai croisé une procession funéraire qui en sortait. Je n'y
portais pas attention, j'écoutais la radio. Je ne me rappelle plus
quel était le sujet, mais je me vois encore exploser de rire très
exactement au moment où la bière est passée devant moi. Mettons
que les personnes dignes de la procession ont été choquées de mon
éclat de rire intempestif et à leurs yeux, sans doute, mal venu.
Et cet autre moment encore où je riais tellement que j'ai dû m'asseoir sur un banc pour rire à mon aise avant d'arriver, en retard, à un rendez-vous parce que mes jambes ne me portaient plus. Monsieur Bertrand avait une voix singulière et son humour l'était tout autant. Durant les dernières années, je ne manquais aucune émission de La tête ailleurs, c'était une forme de nourriture de l'esprit. Quelquefois même, je retardais le moment de sonner à une porte, pour ne pas manquer la blague ou le mot d'esprit qui me mettrait des étoiles plein la tête.
Avec lui cependant, je ne
me suis jamais dénoncée. J'ai, ça et là, commenté des extraits,
participé discrètement à ces émissions que j'aimais beaucoup.
Ce matin donc, j'ai tout
simplement envie de lui dire merci pour toutes les années où il a
meublé mes heures d'éclats de rire et de soleil. Quand je n'avais
plus la force de croire en moi, cet humour décapant aura su me
sortir de mes ornières en me faisant réagir à quelque chose qui se
passait à l'extérieur de mon petit nombril.
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