dimanche, janvier 11, 2015

Compter pour des prunes

Il y a quelques années, j'ai découvert que j'ai vécu de l'intimidation à l'école primaire et secondaire. J'ai écouté un documentaire à ce sujet et j'ai revu passer une bonne partie de mon enfance. Il va sans dire que j'ai braillé ma vie sur celles des enfants que je voyais à l'écran. Ça été un choc.

Il y a une différence entre être rejetée par un groupe et se savoir intimidée.

On ne se voit généralement pas comme les autres nous voient. En tout cas, pour ma part, ça a toujours été vrai. J'étais une enfant rêveuse et dramatique. Un tantinet excessive, dirons-nous. Je m'inventais toute sortes d'histoires pour rendre ma vie plus intéressante que ce qu'elle était. Être collectivement rejetée par mes collègues de classe n'était probablement pas facile pour la personne pétillante que j'étais. J'ai donc beaucoup menti. Enfin, je m'explique cela, aujourd'hui, de cette manière. À l'époque, je dirais que je cherchais surtout à me prouver ma propre importance.

J'avais développé toutes sortes de stratégies pour faire avec. Je le sais désormais. J'ai cultivé beaucoup d'amitiés avec des gens plus jeunes que moi, parce que dans l'école où j'allais, il n'y avait qu'un groupe de gens de mon âge. Alors forcément, si j'y étais rejetée, il fallait bien que je me créée une appartenance ailleurs. À ce sujet, je n'ai pas vraiment changé, la plupart de mes amis sont plus jeunes que moi. Il faut croire que ce genre d'habitude est tenace. Peut-être aussi que j'ai encore peur des gens de mon âge, sans le savoir vraiment. Qui sait?

Mais surtout, j'avais la chance de vivre ces choses graves à une époque où internet et les téléphones intelligents (vraiment?) n'existaient pas encore. Alors, je pouvais avoir un autre espace de vie où personne ne savait que j'étais la tête de turc de ma classe. C'était une autre de mes stratégies. Les enfants de ma rue ignoraient que j'étais le « rejet ». Et ça me servait bien de ne pas leur avouer. Parce que je gardais l'espace que je m'étais créé dans mon voisinage. Celui-ci a d'ailleurs été fertile en relations longues et tangibles. Des gens qui m'ont connue sans quolibets et m'ont appréciée ainsi.

J'ai d'ailleurs, trouvé le moyen d'avoir le dernier mot sur mes tortionnaires, à la toute dernière journée de mon passage dans cette école. Je me souviens de leur avoir dit que leur rejet collectif comptait pour des prunes parce qu'au fond c'était moi qui choisissais de ne pas suivre leurs diktats. Je garde un souvenir très clair de leurs visages ahuris. Ils m'ont tous écrit qu'ils voulaient être mes amis, maintenant qu'ils voyaient quel type de personne j'étais.

Aucun ne l'est.

Mon choix.

Mais je crois que j'ai tiré profit de cette expérience. À coup de naïveté, certainement. N'empêche que, ça fait très longtemps que je sais que je ne peux pas plaire à tout le monde, que j'ai une personnalité forte qui dérange. Un jour, je me suis aperçue que la plupart des gens qui m'invectivent et ne m'aiment vraiment pas, ne connaissent de moi que le premier abord.

Depuis, je me dis que les seuls rapports humains qu'il vaille la peine que je cultive sont avec ceux qui se donnent la peine d'aller plus loin que la première impression. Je pense que j'ai un talent certain pour me faire aimer et apprécier dans ces occasions.

Et que je le rends bien.

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2 Commentaires:

Blogger Unknown s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Beaucoup de souffrance dans ce texte. Une belle maturité aussi. Tous les chemins mènent à soî.

5:13 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

La souffrance n'est plus vraiment. Je ne nierai pas que j'ai souffert, mais si je le raconte aujourd'hui, c'est parce que ça ne fait plus mal. Cependant, ça fait partie de mon histoire toute personnelle, et le nier, serait redonner de l'importance à ceux qui, autrefois, n'étaient pas très gentils à mon endroit.

5:45 p.m.  

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