Des filles comme ça
Il y a des filles, qui
n'ont rien demandé à personne, mais à qui des inconnus se donnent
le droit de crier, gratuitement, qu'elles sont trop grosses ou trop
maigres.
Il y a des filles qui se
font dire qu'elles veulent du sexe parce qu'elles s'habillent de
manière sexy ou suggestive. Des filles auxquelles on affirme que
leur tenue est une obligation d'aller plus loin.
Il y a des filles qui se
réveillent dans leur lit, où elles s'étaient sagement couchées
toutes emmitouflées dans des pyjamas douillets, soudainement
dénudées par un intrus qu'elles savaient présent, quelque part
endormi dans un tas de manteaux qui traînaient sur le plancher et
qu'elles avaient omis de mettre à la porte, par politesse. Des
filles qui se sentiront souillées jusqu'à l'usure d'une telle
expérience, mais qui n'auront jamais dénoncé parce que leur corps
aura répondu aux caresses auxquelles elles n'avaient jamais
sciemment acquiescé.
Il y a des filles qui se
font amadouer par une personnalité publique, ou pas, et qui se
retrouvent à donner beaucoup plus que ce qu'elles avaient prévu au
départ. Des filles qui tentent de dire non et à qui le couperet du
« Si tu m'as accompagné, c'est parce que tu veux ce que je
veux » aura coupé les ailes.
Il y a des filles qui se
terrent sous une apparence gonflée ou rectiligne pour ne plus avoir
à dealer avec la séduction, mais qui ne l'admettront jamais,
surtout pas à elles-mêmes.
Il y a des filles qui se
taisent pour préserver l'amour, ou ce qu'elles croient être
l'amour, même lorsque les coups de poings et les coups de gueule
leur pleuvent dessus.
Encore pire, il y a des
filles qui croient que si elles n'acceptent pas, on ne les aimera
pas.
Il y a des filles qui
disparaissent sur les autoroutes de ce pays et dont on ne parle pas,
ou peu, parce qu'elles sont autochtones.
Il y a des filles, trop
jeunes, qui se donnent à des quidams au nom de l'amour d'un autre. ̶
On est toujours trop jeune
pour ça.
Il y a des filles dont le
corps sert de terreau de colonisation dans tous les pays agités par
les guerres qu'elles soient civiles ou territoriales. Ce n'est ni une
nouveauté ni sur le point de s'arrêter.
Il y a des filles à qui
l'on fait comprendre que si elles étaient un peu plus dans les
canons de beauté, elles pourraient obtenir les promotions auxquelles
elles aspirent.
Il y a des filles sur
lesquelles on veut tirer parce qu'elles sont premières à atteindre
le rang de première ministre.
Il y a des filles qui ont
fini leur trajectoire de vie, il y a vingt-cinq ans, sous les balles
d'un homme, simplement parce qu'elles étaient femmes et en voie de
devenir ingénieures.
Ce jour-là, je m'en
souviens, c'était la toute première fois où j'ai eu froid à
l'âme.
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