dimanche, janvier 04, 2015

Un super-héros pas comme les autres

C'est un minuscule brin de femme, au nom et à l'allure hispanique. Tellement minuscule en fait, que la rumeur veut qu'elle se chausse et s'habille toujours chez les enfants. Mais aussi petite soit-elle dans sa forme extérieure, elle n'en demeure pas moins une formidable énergie positive dans l'environnement de qui que ce soit qui la connaisse. J'en suis convaincue.

La toute première fois qu'elle m'a fait exploser de rire, c'était, un peu, contre son gré. Ça ne faisait que quelques semaines qu'elle travaillait avec nous. La veille, elle était toute excitée parce qu'elle allait faire dompter sa longue chevelure bouclée. Mais elle est arrivée au travail, l'air un peu piteux, les cheveux coincés sous un bibi qu'elle ne se décidait pas à ôter, tout en sachant qu'elle n'a pas le droit de travailler avec un couvre-chef. Je l'ai donc fait venir dans mon bureau pour voir d'où venait cet entêtement, qui ne lui ressemblait pas du tout. Elle a ôté le bibi, désemparée, en me lançant : « J'ai l'air d'un tigron! » Ça été plus fort que moi, j'ai éclaté de rire. Parce que je ne pouvais nier qu'elle avait raison. Il y avait des mèches d'un orange vif dans sa chevelure, autrement noire, et un espèce de dégradé, dans la coupe, qui lui donnait effectivement un air de félin ébouriffé. Mon éclat de rire, l'a rendue furieuse, quelques instants seulement, le temps que son autodérision naturelle ne reprenne le dessus et qu'elle se mette à rire avec moi. Je me suis excusée, bien entendu, de ce rire intempestif, et assez mal venu, je dois dire.

Cette anecdote a pourtant changé nos rapports. Les teintant de beaucoup d'humour et de rires partagés. Parce qu'elle est avant tout une personne très joviale, qui se moque de tout, particulièrement d'elle-même, si l'occasion lui en est donnée. Lorsqu'elle fait une bourde, elle se dénonce automatiquement, certaine que je rirai avec elle. Parce qu'une bourde n'est jamais bien lourde de conséquences. Ses meilleures bourdes concernent généralement les référents catholiques qu'elle mêle sans cesse, me faisant hurler de rire à tous les coups; ça vous sape des préjugés, je vous le garanti!

Un jour du printemps dernier, elle travaillait à la caisse et, à côté d'elle, trônait une bouteille d'eau sur laquelle était inscrit « Batman water ». J'ai soulevé un sourcil interrogatif en regardant la bouteille en question. Elle s'est mise à rougir un peu, sous son hâle naturel. Puis elle m'a dit, tout à trac : « Il faut que tu comprennes, Mathilde; Batman, c'est vraiment mon idole! Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça! ». Je ne peux tout de même pas reprocher à quelqu'un d'être fan finie de quelque chose, non? Ce serait le comble de l'ironie. J'ai donc simplement répondu que dorénavant, elle serait Batman.

Le mot s'est répandu à une vitesse de super-héros. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle est devenue Batman, pour tout le monde, à la succursale, du moins. Pour me taquiner et parce qu'elle se trouve très drôle, elle s'est mise à m'appeler Alfred, prenant toujours un petit ton supérieur lorsqu'elle m'interpelle ainsi. C'est particulièrement cocasse quand elle le fait pour me demander de clarifier une consigne ou quelque chose dans le même genre. Et j'ai beau ne pas être grande, je la dépasse de plus d'une tête, alors son air supérieur, tsé...

Aujourd'hui, juste avant de partir, elle venue me voir le plus sérieusement du monde, pour me dire : «Demain, tu n'oublieras pas de penser à moi hein? » Interloquée, je lui ai demandé si j'avais à m’inquiéter pour elle. Elle m'a fait un clin d’œil en s'esquivant, juste avant de me répondre : « Non, mais ce sera mon anniversaire », ravie de m'avoir eue.

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