Des nuits en dents de scie
Décembre est pour moi,
et pour toutes les personnes qui travaillent dans le commerce de
détail, la haute saison. Les journées sont longues et folles, les
gens de plus en plus agressifs et impatients. Je reviens chez-moi
vannée, le stress me tient éveillée pendant beaucoup trop
longtemps, alors que tout ce dont j'ai réellement de besoin, c'est
d'une bonne nuit de sommeil.
Depuis quelques jours,
j'ai une raison de plus de mal dormir.
Le problème, quand tes
nouveaux voisins du dessus sont de jeunes gens qui en sont à leur
premier appartement, c'est qu'ils ne réalisent pas que le son voyage
entre les murs et les étages des vieux logements montréalais. C'est
un apprentissage que nous faisons tous, un jour. Dans la situation
qui nous occupe, ils sont les seuls à en être à cette étape. Tous
les autres locataires y sont depuis plusieurs années et connaissent
la proximité impudique que notre bâtiment présuppose.
Il y a des gens qui
disent que la fin de l'année est un tournant que plusieurs personnes
ne prendront pas, comme si elles décidaient de s'éteindre à ce
moment précis pour ne pas voir une nouvelle année se lever devant
elles. Je crois aussi que certains couples se heurtent à cette
charnière.
Actuellement, j'ai
l'impression de vivre la fin d'une histoire d'amour en trois
dimensions. Je préférerais en ignorer tout, particulièrement les
détails. Ce n'est pas le cas.
Il y a des nuits, durant
lesquelles, pour la faire chier, je crois, il sort sa basse à des
heures indues et joue l'intro de smell like a teen spirit
pendant ce qui me semble être des heures. Tandis que je l'entends,
elle, crier par dessus la musique, des mots dont je ne saisis pas le
sens, étouffés qu'ils sont par les lattes du parquet qui nous
séparent. Je l'entends aussi marcher du talon et claquer toutes les
portes de leur chez-soi. Ces nuits-là se terminent généralement du
balcon à la rue. Elle pleure des larmes amères de son balcon et lui
part pour une destination qui m'est, heureusement, inconnue. Je
reconnais dans leurs voix les trop plein d'alcool, les drames sans
fin que cela implique, aussi.
Ce
n'est pas toujours le cas, cependant. Il y a les nuits de l'ultime
pardon. Celui qui fait tanguer le lit, au dessus de ma tête, lui
faisant rencontrer, avec violence, les murs de la bâtisse. Les cris
sont alors différents, mais non moins présents. Toute seule dans le
noir, je suis impuissante à retrouver mes songes. J'attends que ça
passe.
Ça fait longtemps que je
sais que les nuits de Ville-Marie ne sont pas de tout repos. Les
nuits d'été et celles des changements de mois, le sont rarement.
Mais-là, dans le cœur d'un mois de décembre enneigé, j'avais
espéré, vainement semblerait-il, que je pourrais avoir une certaine
paix. Pour mon sommeil, du moins.
Libellés : Vie en communauté
Pas facile de partager ces moments d'intimité avec un autrui étrangé. Pas nécessaire non plus
Non, pas nécessaire. Mais parfois c'est inévitable...