Noël dans la Terre du Milieu
Ma mère est la troisième
enfant d'une famille en comptant sept. C'est une femme qui aime Noël, pour ce que cela représente
comme partage et chaleur humaine. À tous les ans, elle reçoit sa
marmaille, autour de plats longs à manger qui stimulent les
discussions et les échanges. Au cours des années, nous avons
accueilli, parmi nous, plusieurs esseulés du Réveillon qui ont
pimenté nos soirées de leur présence, souvent lumineuse.
Il y a quelques années,
c'est un des frères de ma mère, celui qui la suit dans leur
fratrie, qui nous à rejoint pour la soirée du Réveillon. Il
s'était séparé, et la fête à laquelle il avait l'habitude
d'assister avait lieu dans la famille qui n'était plus la sienne. Il
y a des traditions comme ça, bien ancrées, qui finissent pas vous
laisser seul le soir de Noël. Mais il avait saisi la main tendue de
sa sœur, et nous avions tous trouvé que ça avait été la
meilleure idée de l'année que de l'inviter partager cette soirée avec nous.
Cette année-là, ses
enfants se sont sentis un peu moches, je crois, de l'avoir laisser
seul dans la nuit du 24 décembre. Et peut-être aussi étaient-ils
un peu tristounets d'avoir manqué un souper avec notre cellule à
nous, puisque nous nous entendons tous particulièrement bien.
L'année suivante, ils se sont joints à notre souper. Quelque part
dans le temps, Noël a perdu ses repères, mais avant de laisser le
sol s'évanouir sous nos pied nous avons, il semblerait, réinventé
une tradition à notre sauce.
C'est une compagnie bien
bruyante qui s'amène dans notre Terre du Milieu, la nuit de Noël.
Une compagnie majoritairement masculine aux voix fortes et aux
positions campées. Une compagnie qui fait et défait le monde à
l'aune de l'actualité et des petits et grands travers de ses divers
commettants. Les rires fusent de tous les côtés de la grande tablée
où nous restons assis, le plus longtemps possible. Pour savourer les
plats que nous préparons en collégialité et pour le plaisir, si
simple et si gratifiant, d'être ensemble. Nous parlons fort, passant
de diagonales en zigzags dans les fils que tissent les sujets qui
nous amènent dans toutes les directions. Il est bien rare de nous en
voir faire le tour, d'ailleurs. Ils finissent, pour la plupart,
oubliés entre deux chaises.
On se dit souvent qu'on
devrait se voir comme ça, plus qu'une fois l'an. Mais la vie a ses
propres impondérables et, bien entendu, nous n'en faisons rien. Mais
je crois que nous attendons tous le courriel de ma mère, un jour
d'automne, qui nous confirmera que nous sommes, encore une fois
invités, à partager avec elle la veille de Noël.
Je crois qu'aucun d'entre
nous ne manquerait ce souper pour tout l'or du monde.
Et ça, à mon avis,
c'est le plus précieux cadeau que nous puissions espérer des années
qui s'achèvent.
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