Soir de zinc
Il s'était assis au bar,
comme il l'avait fait mille fois auparavant. Il s'était assis au bar
après sept années d'absence. Comme si c'était la veille. Il
n'était pas là pour elle, il l'était rarement de toute manière.
Il était avec un ami, à se raconter une histoire d'amour qui ne se
terminait pas si bien, comme c'était souvent le cas lorsque deux
gars s'accoudaient à son zinc.
C'était un mec entêté,
avec une intelligence vive et une rapidité dans la répartie qui la
laissait souvent sur son quand-à-soi. Un peu chose d'avoir été
vertement rabrouée ou relancée dans ses retranchements, faute
d'arguments. Entre deux visites, elle se faisait un plaisir de
fourbir ses armes. Allant lire sur des sujets qui, autrement, ne
l'aurait pas du tout intéressée, simplement pour le plaisir de se
prouver à elle-même qu'elle pouvait avoir le haut du pavé dans une
discussion. Ce qui lui arrivait de plus en plus souvent, à la fin.
Puis il avait
complètement cessé de fréquenter son zinc, sans qu'elle sache
pourquoi. Elle supposait qu'il avait rencontré une femme ou qu'il
avait déménagé. Elle ne savait pas et n'avait pas cherché à
savoir non plus. Elle avait poursuivit son petit bonheur de chemin,
rencontré des mecs intéressants, eu des amants. Elle avait aimé et
avait été aimée en retour. La vie quoi.
Entre deux clients, Manu
regardait Maxime et se demandait pourquoi, ce soir-là elle trouvait
donc que son sourire en fossettes était charmant. Il s'agitait dans
sa discussion de gars, riant trop fort, parfois. Haussant le ton pour
prouver son point. Tant de choses qu'elle l'avait vu faire autrefois
et qui l'irritaient profondément dans ce passé-là. Pour une raison
obscure, ça ne l'irritait plus du tout.
L'ami avait quitté juste
un peu avant que Manu ne termine son quart. Maxime était resté.
Alors elle était allée le rejoindre de son côté du bar. Ils ne
s'étaient pas dit grand chose, se contentant de s'observer sous un
angle neuf, tous les deux. Elle avait fini par poser sa petite
menotte sur la joue de Max, suivant la fossette de son pouce.
Doucement. Il avait croqué dans sa main. Elle avait ri et l'avait
embrassé.
Ils étaient partis
ensemble, à la fermeture du bar. Croyant fermement que ce serait une
soirée sans lendemain. Mais ils se trompaient. Parce qu'un enfant
plus tard, ils se regardent toujours avec cette tendresse qu'on ne
peu pas feindre, celle de deux personnes qui ont pris le temps
d'avoir le temps de se recontrer.
Libellés : Sur la frontière du réel
Petit sourire tendre accroché dans ma face
Maman : tout ce que j'avais comme matière de création c'était la chute et l'histoire de bar dans laquelle il y avait 7 ans de silence. Je suis heureuse de te l'avoir rendue vivante