Le jour le plus court
Il y a quelques temps,
j'ai fait le portrait de ce garçon là. Je ne savais pas, à ce
moment-là, que j'avais eu l'idée, un peu folle, de redevenir amie
avec un espèce de canidé qui vit en meute et qui n'a de cesse de
retrouver les enfants perdus qui ont, un jour, fait partie de sa meute
à lui. L'air de rien, me voilà donc une enfant perdue qu'il ramène
dans son bercail
Il m'a invitée à un
souper de pré-Noël sans prétention. Au milieu de sa meute
éclectique. Ils sont des loups,
des coyotes, des ours ou des chiens de berger. Différents, mais
semblables en même temps. Vous me direz que l'ours n'est pas dans la
bonne liste, ou le chien, c'est selon. Cette meute est ainsi faite,
je n'ai pu que l'observer. C'est une meute d'hommes avec beaucoup de
femmes et de filles qu'ils y ont intégrées avec les années. Et si
je ne les connais pas, elles, elles me semblaient aussi inhérentes
l'ensemble, que les mecs dont je vais tracer ici le portrait.
Le
loup est un charmeur, impénitent. Il l'a toujours été. Je le
connais depuis presque aussi longtemps que là où me mène ma
mémoire, qui est longue. J'ai de lui des souvenirs de petite
enfance. Des souvenirs d'une espièglerie sans faille, de rires vrais
et sans retenue. J'ai des réminiscences, plus rares, de discussions
sérieuses, après une rupture qui l'avait laissé en porte-à-faux à
l'orée de sa propre existence. Et je l'ai vu être totalement
identique à lui-même avec ses filles qu'il couve d'un regard amène
et sans jugement pour ce qu'elles sont, ou deviendront. Si vous lui
confiez vos inquiétudes, il ne vous rassurera pas, que vous soyez
son amoureuse, sa fille ou l'amie sortie de nulle part. Ce n'est pas
son style. Mais il vous regardera de travers l'air de dire :
« j'ai compris ». C'est suffisant pour beaucoup
d'entre-nous, je crois.
Le
chien de berger, m'a reconnue à la seconde où ses yeux se sont
posés sur moi. Pas tant parce que nous avions un jour partagé quoi
que ce soit, en réalité. Non je crois qu'il m'a reconnue parce que
j'étais la fille à qui ce garçon-là parlait autrefois. Sans plus
ni moins. Et aussi parce qu'il est, peut-être, le deuxième plus grand fan de Pierre
Richard à ma connaissance, particulièrement en ce qui concerne le
film « La chèvre ». Je les ai tellement vu rire ce
film, lui et ce garçon-là, en se le racontant tant et tant. Je
crois que c'était nettement plus drôle de les écouter en parler
que de voir le film en tant que tel.
Le
coyote, ben c'est un coyote. Il est sans doute le plus intelligent
d'entre-nous, mais le plus rétif aussi. C'est dans sa nature, je
crois. Il est sans conteste un peu plus sauvage que les autres. Mais,
selon ce que j'ai pu en voir, il est au moins aussi fidèle que
toutes les parties de cette meute. Sans quoi, il n'aurait pas été
présent. Je me rappelle de jugements sans concession, de talents
allant dans toutes les directions et de beaucoup d'autodérision.
L'ours,
c'est celui que je connais le moins. Mais il a vite compris, hier, qui
je suis. C'est celui qui m'a dit : « Tu écris, je
crois », deux fois plutôt qu'une. Sentant, sans doute, que ça
m'est important. C'est lui qui m'a ramenée dans les ornières qui me
permettraient de retrouver mon chez-moi. Je suis une petite bête qui
ne possède pas de permis de conduire, alors la voiture, c'est hors
de question. J'ai donc besoin de la meute pour retrouver les
wagons des métros qui me permettent d'arriver à bon port.
C'est
une belle meute, avec laquelle j'ai eu la chance de partager le jour
le plus court, ou presque, de l'année. Et je me compte chanceuse de
ne pas m'être fait mordre parce que je serai toujours un félin qui
taquine les canidés, ou les ursidés, à mes risques et périls.
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