La traversée des portes
Il y a des seuils que
l'on franchit sans trop sans apercevoir. C'est généralement le cas
le jour de son anniversaire, parce qu'entre hier et aujourd'hui, on
ne voit pas souvent la différence. Mais ce n'est pas toujours le
cas, certains seuils sont comme autant d'étapes à franchir; la
toute première fois que l'on met les pieds à l'école, par exemple.
Il y a des seuils qui se
parent de rideaux lourds, comme les drapés d'une scène et on a de
cesse d'essayer de jeter un coup d’œil, par en dessous, au cas où,
on pourrait y percevoir un secret avant qu'il n'éclate au grand
jour. Ceux-là on les mate longtemps avant d'arrêter d'en espérer
quelque chose.
La majorité des seuils,
cependant, sont munis de portes. Certaines d'entre elles
s’entrebâillent et on les laisse dans cet état parce que ce que
l'on aura perçu de l'autre côté leur ajournement, ne nous sied
pas. Quelques fois, parce qu'on trouve ça laid. Fréquemment, parce
qu'on ne s'y reconnaît tout simplement pas. D'autres fois, par
contre, la curiosité nous pique assez pour qu'on y mette le bout de
notre nez.
Les surprises n'y sont pas toujours bonnes.
Il y a des portes que
d'autres ouvrent sur nos propres trépas. L'air de rien. Et on se
retrouve à papillonner autour de soi-même, complètement
déstabilisé. Nos coffres-forts personnels, éventrés, devant des
yeux dont l'acuité nous jette à terre. Celles-là sont les pires
parce que les chimères de l'esprit se mettent à semer le doute du
pourquoi et du comment on en est arrivé là. Un jour, on se rend à
l'évidence que rien ne nous a heurté et que les rapports humains
peuvent êtres sains, si on leur laisse le droit d'exister. Un jour
on se rend à l'évidence que toute forme de confiance ne sera pas
systématiquement violée.
En contre partie, il y a
des portes que l'on claque, sur un passé qui nous a malmené.
Il y a des portes qui
nous restent hermétiquement fermées, quoique l'on fasse pour tenter
de les ouvrir. Des portes solides, bien bâties et bien ancrées qui
font en sorte qu'on se sent un peu rejeté de rester-là, impuissant
à les traverser, car on n'en possède pas la clef et encore moins le
droit d'accès. Les personnes sages, ont depuis longtemps compris que
la meilleure tactique est de cesser de tenter de les forcer. Les chances sont fortes, qu'un jour, le
penne se déclenche de l'intérieur.
Il a des portes laissées
ouvertes. Sans aucune espèce de forme de barrière. Sur des pièces
et des personnages aussi généreux qu'accueillants. Ces portes-ci, ont
le chic de nous ouvrir l'appétit et de cultiver l'imaginaire.
Il y a des portes que
l'on referme, doucement, sur quelque chose qui s'est enfui.
La plupart du temps, il y
a des portes qu'on regarde en chien de faïence, en se demandant si
on aura le courage d'aller zieuter ce qu'il y a de l'autre côté.
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