dimanche, janvier 25, 2015

Les itinéraires de ma prose

Je ne sais pas exactement à quel moment j'ai commencé à écrire. Ce que je sais sans l'ombre d'un doute, c'est que ça fait partie de moi. Je peux certainement parcourir la vie sans écrire, je l'ai fait durant cinq ans récemment, seulement je suis un peu à côté des rails de mon essence profonde. Lorsque je n'écris pas, je suis généralement moins triste, moins joyeuse aussi. Tout est comme sur une étrange ligne floue. À l'exception de peurs de toutes sortes, surtout celle d'être de trop et de déranger qui, elles, au contraire, se mettent à prendre le pas sur pas mal tout.

Évidemment, je peux affirmer une telle chose avec un recul certain. Lorsque je cesse d'écrire autre chose que des communications de travail, je me débranche de mon cœur. Il bat toujours, ne faisant que son travail musculaire. Je m'étiole. Mais l'érosion est lente. Elle se fait presque silencieusement. À tous les coups, je crois que l'absence d'écriture n'est, somme toutes, pas si importante.

J'écris parce que j'ai besoin de m'expliquer la vie. À moi, avant tout. Quelquefois, j'arrive à l'expliquer à d'autres gens par ce biais. Mais la création est un mouvement bien égoïste, je crois. On part toujours de soi pour aller à la rencontre des autres. On tente de faire du particulier un certain universel. Sans y arriver souvent. Pour ma part, j'essaie fréquemment de faire mûrir les trucs que je juge laids et qui me dérange en quelque chose qui me plaise davantage. Ou l'inverse. Pour visiter une douleur, la regarder jusqu'au bout. Et pouvoir, après coup, me dire qu'elle fait désormais partie du passé.

J'écris parce que j'aime les mots et ma langue. J'aime les musiques qui naissent au détour d'une formule. Les images qui me percutent les yeux et l'âme. Je suis touchée par ces sonorités, la beauté du phrasé. J'écris quand ma tête va bien. Parce qu'autrement, je suis emmurée à l'intérieur de moi. Beaucoup d'écrivains ont affirmé que c'est dans la douleur qu'ils créaient. Adolescente, j'étais convaincue que c'était vrai. Je ne dirais pas que c'est totalement faux, les peines d'amour, d'amitié, les colères, les insatisfactions et les injustices sont de bons terreaux pour la création. Il faut savoir les emmener plus loin que l'émotion du moment, les utiliser positivement pour ne pas miner ce qui reste de soi.

J'admets volontiers que l'écriture soulage. Me soulage en tout cas. Elle me permet de jeter un autre regard sur les événements. De changer ma perspective. De tempérer mes ardeurs. Le nombre de fois où j'ai écrit mes colères les plus noires pour ensuite pouvoir parler, calmement de ce qui me fâchait, frise le ridicule. Et je sais pertinemment que moins j'écris, moins je canalise mes doutes, mes angoisses et mes frustrations, plus les chances que j'explose existent. Mauvais pour tout le monde, moi la première.

J'aimerais connaître tous les chemins qui poussent à l'écriture, à la création. Par curiosité, pour en emprunter quelques uns qui me sont aujourd'hui inconnus et voir ce que je pourrais bien y découvrir. Mais, ce n'est pas le cas. Comment le pourrais-je? Je ne suis que moi, avec toutes les forces et les lacunes que cela comporte.

En fait, je crois qu'il y a autant de sentiers qui y mènent qu'il y a d'êtres humains pour les suivre.

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