mercredi, février 18, 2015

Pas perdus

J'ai toujours adoré le terme salle des pas-perdus. Et ce que cela désigne me laissait pantoise. Une telle poésie pour une forme de salle d'attente, a quelque chose de trop pragmatique. Pourtant, lorsqu'on connaît la racine historique de l'appellation, même les âmes romantiques comme la mienne doivent se rendre à l'évidence de l'évidence, justement (pour les curieux, ces salles d'attentes sont ainsi désignées à la suite de troubles politiques, en France, au dix-neuvième siècle). Les seules salles de ce type que j'aie fréquentées sont celles de Montréal. Au Palais de justice, pour avoir été assignée à potentiellement faire partie d'un jury, mon nom n'ayant jamais été appelé, j'ai simplement (et ironiquement) perdu quelques heures à attendre que le temps passe. Celle de la gare Windsor, par contre, je l'ai traversée maintes fois, sans savoir que j'y mettais les pieds.

Depuis quelques semaines, j'ai décidé de marcher davantage. Pour moi. Alors l'expression me trotte dans la tête, forcément. Forcément parce que je me suis aperçue que je compte mes pas, inconsciemment de temps à autres. Et que, le fait de marcher deux stations de métro plus loin que mon lieu de départ, me fait faire beaucoup plus d'enjambées que ce que j'aurais fait, autrement. Je ne le fais pas tous les jours, la froideur des dernières semaines m'ayant quelquefois replongée dans la fréquentation des autobus. Histoire de ne pas mourir gelée par la bise de face.

Et puis, comme je l'ai raconté, il y a quelques semaines, je vis juste en dessous de l'appartement d'un couple, qui, sonorement, bat de l'aile. On entend leurs pas pesants nous tomber sur la tête, presque quotidiennement. Un troupeau d'éléphants qui se masse au dessus de de nos têtes. Des éléphants en talons-hauts, semble-il, parce que ça claque dans tous les sens et à tout moment. Ce déchaînement bruyant me fait encore davantage apprécié la discrétion naturelle de la personne avec laquelle j'habite depuis plusieurs années. Il est vrai que j'entends régulièrement le son de ses pantoufles à semelles rigides chez-nous, mais c'est un pas posé qui ne cherche pas à se faire remarquer.

En réalité, à cause des températures invraisemblables des semaines qui viennent de s'écouler, j'ai parfois l'impression de vivre avec une souris. Parce que pantoufles ou pas, les planchers de notre logement sont frisquets, pour dire le moins. Alors quand j'entends des pas précipités aller du salon à la salle de bains à toute vitesse, j'ai comme une image de souriceau frigorifié qui tente de ne pas se faire prendre en faisant des cliquetis sur les parquets usés.

Je présume que je dois donner la même impression car je sais très bien que je me presse aussi lorsque que vient le temps d'affronter les corridors qui me mèneront du points A au point B.

Moi qui me targue depuis longtemps d'avoir la faculté du mouvement silencieux, faut croire que lorsque la température frise l'indécence, je ne suis pas meilleure qu'une autre pour me faire discrète...

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