mercredi, février 04, 2015

Vie de quartier

Cher marginal montréalais,

Je n'ai rien contre toi, en fait, je crois être plutôt compatissante à ton égard et je donne les quelques sous que je peux, à tous les ans, à des organismes qui sont-là pour t'aider. Mais vois-tu, tu es nombreux dans le quartier où je vis. Alors je ne peux pas te fournir argent et cigarette à toutes les mains que tu tends vers moi. Je voudrais bien t'aider davantage, mes poches ne sont pas assez profondes pour cela.

Ce qui me hérisse un tantinet cependant, c'est que la tolérance se joue dans les deux sens. Je suis un peu tannée de me faire enguirlander, presque quotidiennement, par toi. Si tu t'approches de moi dans un wagon de métro, ou sur un quai, en me demandant de l'argent, je te dirai non. En essayant de le faire gentiment et poliment. Svp, ne me hurle pas après que je suis une grosse torche. Ce n'est pas très sympathique. Le résultat est que je me souviendrai de ton visage et que la prochaine fois que je te croiserai, je ferai un détour, le plus loin possible de toi. À ce moment, tu auras raison de trouver que je t'ostracise. Peut-être ne te rappelleras-tu pas de m'avoir un jour insultée, moi si.

Si tu t'assoies à côté de moi, dans un transport en commun, et que schlingues au possible, il est rare que je me déplace. Par respect pour ta condition. Mais si tu t'allumes une cigarette dans le métro bondé de l'heure de pointe ou que tu te mets à m'invectiver parce que je ne te donnes pas le contenu de mon sac à lunch, là, je changerai de place et mes commentaires ne seront probablement pas très gentils.

Je ne peux pas dire que je comprends ta condition. Je ne la vis pas. Je sais par contre ce que c'est que de ne pas être bien dans sa tête. Je sais comment on peut ressentir le regard d'autrui sur soi, et je sais à quel point c'est douloureux.

Non, je n'achète pas tous les numéros de l'itinéraire. Je n'en achète même pas très souvent. Mais lorsqu'un sujet me plaît dans ce journal, à ce moment-là, je l'achète. J'aime ce projet parce qu'il peut t'aider, je crois.

La plupart du temps, je n'ai pas peur de toi. Mais je ne suis pas surhumaine, il y a de fois, où j'ai une grosse frousse en te côtoyant. Je sais bien que ton attitude n'est pas nécessairement dirigée directement contre moi, sauf que lorsque je suis le déversoir de tes frustrations du jour, il est probable que tu m'effraies. Je ne suis pas armée pour t'aider. Je ne suis qu'une femme, parmi tant d'autres, qui fréquente les mêmes lieux que toi.

Et si tu tiens la porte au métro Berri entre le terminus de bus et le métro à proprement parler, je ne serai jamais celle qui met des sous dans ta tasse; tu te multiplies beaucoup trop à cet endroit très précis.

La seule chose que je puisse faire, c'est de te regarder, dans les yeux, et de te souhaiter une bonne journée.

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1 Commentaires:

Blogger Unknown s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Ben moi, ils me font carrément peur quand ils deviennt agressifs

6:49 p.m.  

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