dimanche, mai 10, 2015

Essentiellement aimés

Toute petite, lorsqu'une quelconque injustice me semblait patente (du genre, la voisine pouvait se coucher plus tard que moi), je me promettais que j'aurais mes enfants jeune, pour les comprendre,parce que décidément, ma propre mère, ne me comprenait pas du tout. C'était à l'époque de la vie d'un enfant qui le voit faire ses valises de temps à autres, promettant d'abandonner pour toujours la famille qui l'a vu naître, mais on sait tous que l'enfant ne va jamais bien plus loin que le bout de la rue.

J'ai sans doute fait ma valise un certain nombre de fois, d'ailleurs, même si je n'en ai aucun souvenirs. C'est mon second frère qui était le spécialiste de ce genre de départ dramatique parce qu'il se sentait touyours incompris. Évidemment, ce n'était pas vrai. Nous étions compris, aimés, dorlotés, cajolés. Sauf que maman avait la sagesse de ne pas se plier à tous nos caprices. Elle savait bien qu'on ne la quitterait pas pour toujours à trois ans et nous regardait avec amour, bâtir sous ses yeux les premiers écheveaux de notre indépendance.

Comme nous lui en avons fait voir de toutes les couleurs! À quatre, nous étions une société en nous-mêmes, avec tous les défis que cela suppose. Et nous possédons tous un certain caractère, de la trempe de ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds, même si nous ne le déployons pas tous de la même manière. J'avais un penchant prononcé pour le drame, les crises et autres effets spectaculaires. Je n'ai pas toujours été une sœur aînée bien digne. Les autres avaient des stratégies un peu différentes, cependant, nous nous sommes tous plains un jour ou l'autre de l'injustice maternelle, en bons enfants que nous sommes. Sauf, peut-être ma sœur, et même encore, il serait surprenant qu'elle ne se soit jamais sentie injustement traitée.

Je ne peux pas parler de toutes les mères. Par contre, je les soupçonne toutes d'amour infini et désintéressé. Je les crois capables de patience sans mesure pour leurs enfants. Capables de continuer à tendre des ponts quand lesdits enfants ne sont pas si forts que cela sur la communication familiale. Capables de persévérance pour garder ces liens qui se sont tissés dans l'utérus et qui resteront toute la vie, et que nous, enfants, avons une grosse tendance à prendre pour acquis, ne remerciant cette générosité qu'en faisant montre d’indifférence.

Je ne peux pas parler pour toutes les mères, mais je sais que la nôtre a ce chic d'être très exactement-là, pour chacun d'entre-nous lorsque le monde s'effondre. Je sais, pour ma part, qu'elle a fait beaucoup pour me sortir de la dépression, en m'aimant inconditionnellement, malgré le fait que je n'étais pas particulièrement aimable, à cette période de ma vie. En maman accomplie, elle s'intéresse à toutes nos nouvelles même les plus anodines et se rappellera les détails de ce qui nous est important.

Elle aura fait de nous des adultes, en nous laissant être nous-mêmes, en nous laissant nous tromper et l'écorcher au passage, tout en nous laissant savoir que sa porte nous serait toujours ouverte.

En nous aimant, essentiellement.

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