Essentiellement aimés
Toute petite, lorsqu'une
quelconque injustice me semblait patente (du genre, la voisine
pouvait se coucher plus tard que moi), je me promettais que j'aurais
mes enfants jeune, pour les comprendre,parce
que décidément, ma propre mère, ne me comprenait pas du tout.
C'était à l'époque de la vie d'un enfant qui le voit faire ses
valises de temps à autres, promettant d'abandonner pour toujours la
famille qui l'a vu naître, mais on sait tous que l'enfant ne va
jamais bien plus loin que le bout de la rue.
J'ai
sans doute fait ma valise un certain nombre de fois, d'ailleurs, même
si je n'en ai aucun souvenirs. C'est mon second frère qui était le
spécialiste de ce genre de départ dramatique parce qu'il se sentait
touyours incompris.
Évidemment, ce n'était pas vrai. Nous étions compris, aimés,
dorlotés, cajolés. Sauf que maman avait la sagesse de ne pas se
plier à tous nos caprices. Elle savait bien qu'on ne la quitterait
pas pour toujours à trois ans et nous regardait avec amour, bâtir
sous ses yeux les premiers écheveaux de notre indépendance.
Comme
nous lui en avons fait voir de toutes les couleurs! À quatre, nous
étions une société en nous-mêmes, avec tous les défis que cela
suppose. Et nous possédons tous un certain caractère, de la trempe
de ceux qui ne se laissent pas marcher sur les pieds, même si nous
ne le déployons pas tous de la même manière. J'avais un penchant
prononcé pour le drame, les crises et autres effets spectaculaires.
Je n'ai pas toujours été une sœur aînée bien digne. Les autres
avaient des stratégies un peu différentes, cependant, nous nous
sommes tous plains un jour ou l'autre de l'injustice maternelle, en
bons enfants que nous sommes. Sauf, peut-être ma sœur, et même
encore, il serait surprenant qu'elle ne se soit jamais sentie
injustement traitée.
Je
ne peux pas parler de toutes les mères. Par contre, je les soupçonne
toutes d'amour infini et désintéressé. Je les crois capables de
patience sans mesure pour leurs enfants. Capables de continuer à
tendre des ponts quand lesdits enfants ne sont pas si forts que cela
sur la communication familiale. Capables de persévérance pour
garder ces liens qui se sont tissés dans l'utérus et qui resteront
toute la vie, et que nous, enfants, avons une grosse tendance à
prendre pour acquis, ne remerciant cette générosité qu'en faisant
montre d’indifférence.
Je
ne peux pas parler pour toutes les mères, mais je sais que la nôtre
a ce chic d'être très exactement-là, pour chacun d'entre-nous
lorsque le monde s'effondre. Je sais, pour ma part, qu'elle a fait
beaucoup pour me sortir de la dépression, en m'aimant
inconditionnellement, malgré le fait que je n'étais pas
particulièrement aimable, à cette période de ma vie. En maman
accomplie, elle s'intéresse à toutes nos nouvelles même les plus
anodines et se rappellera les détails de ce qui nous est important.
Elle
aura fait de nous des adultes, en nous laissant être nous-mêmes, en
nous laissant nous tromper et l'écorcher au passage, tout en nous
laissant savoir que sa porte nous serait toujours ouverte.
En
nous aimant, essentiellement.
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