dimanche, avril 19, 2015

Saoul... ou pire

La mini van ne payait pas de mine et les ados qui en sortaient encore moins. Je ne sais pas trop pourquoi mon regard s'est arrêté sur ces détails. Sans doute parce qu'ils étaient dans mon chemin, bloquant le bout de trottoir qui aurait pu me mener sans encombre à une succursale de la SAQ. Ils étaient jeunes, et avaient l'air hagard de ceux qui ont passé la nuit ailleurs que dans un lit. En les regardant descendre et prendre tout l'espace disponible devant moi, j'ai eu un malaise. J'avais l'impression que les six jeunes personnes qui descendaient de la voiture revenaient de l'enfer.

J'ai traversé la barrière invisible, complété mes achats et suis ressortie dans un nuage opaque de pot, si mon odorat ne se (me?) trompait pas. Il ne m'était plus possible d'avancer. Le trottoir était irrémédiablement confisqué. J'ai donc retraité d'un pas, restant collée sur la porte du commerce que je quittais pour ne pas me mêler de ce qui ne me regardait pas.

J'ai donc eu quelques secondes pour les observer davantage. Il était évident qu'ils avaient tous passé la nuit sur la corde-à-linge. Dans leurs yeux, je ne percevaient que du vide. Leurs discours étaient majoritairement en français, entremêlés d'anglais et d'une autre langue que je n'arrivais pas à discerner. Ils étaient tous blancs, sauf un, un très beau noir, mais ce n'était pas du créole haïtien qui agrémentait leurs propos, parce que celui-là, j'aurais pu le reconnaître. Ils me semblaient tous, blessés par la vie. Perclus devant les sentiers à venir. Plus vieux que moi dans l'expérience, quoique j'ai quelque chose comme vingt années de plus qu'eux dans ma besace.

Le chauffeur est sorti de la voiture et leur a hurlé quelques paroles blessantes pour qu'ils se dispersent. Ce qu'ils firent promptement. Il avait à peu près mon âge, bedonnant, tatoué et bien mis. Les ados se sont dispersés sans mot dire, avec dans le fond de l’œil, affolement d'un oiseau blessé et cette autre chose que je n'arrivais pas définir.

Quelques heures plus tard, je revenais chez-moi sur les rails de la ligne verte. Bizarrement, ma route à croisé celle de deux des ados que j'avais vu plus tôt. L'un d'entre eux s'est affalé devant moi, s'endormant illico. Son ami, faisait le tour des passagers pour obtenir une certaine obole dans le wagon. Le dormeur, avait le cou tatoué. Il était inscrit « I'm drunk, or worst ». Et ça m'a fait mal. Parce que je ne le connais pas mais il me semble que même les plus téméraires ne se feraient pas tatouer ce genre de phrase à un endroit aussi visible, de leur plein gré. Surtout quand ça reflète la réalité.

Je suis sortie du wagon, les laissant à leur triste sort. Je ne le ai pas offert un sou. Pas tant parce que je ne le pouvais pas que parce que je ne veux pas participer à leur déchéance.

Mais ce soir, toute seule dans mon salon, je me demande si j'ai pris la bonne décision.

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3 Commentaires:

Blogger Unknown s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Trite ce genre de situation, on aimerait mieux pas voir cette triste vie..
Effectivement, je comprends ton questionnement prce qu'il est difficile de les juger.

8:47 a.m.  
Anonymous Anonyme s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Texte très touchant et parsemé d'un regard très doux et humain.

8:36 p.m.  
Blogger Mamathilde s'est arrêté(e) pour réfléchir...

Maman : oui hein, c'est triste... Et douloureux, d'une certaine manière.

Anonyme : Merci bien! Puis-je savoir à qui aie-je l'honneur?

8:00 p.m.  

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