Jean Alexandre?
Dans les voitures qui
nous amenaient aux Iles-de-la-Madeleine, le conflit existait déjà.
Les ados avaient envie d'écouter la radio commerciale et les les
parents, pas du tout. Évidemment, les enfants n'avaient pas de voix
au chapitre. Je crois que je mêle plusieurs étés dans mes
souvenirs, mais il me semble que ce qui nous accrochait, ou qui
accrochait les filles du groupe, était Flash
de Stéphanie de Monaco tandis que les parents étaient devenus
collectivement, des adeptes de Paolo Conte. Il y avait comme un fossé
entre nos goûts. On a fini par s'entendre sur l'album d'un nouveau
venu, qui s'appelait Jean Leloup.
L'album
Menteur a tellement
tourné dans notre petit cercle cet été-là que je connais encore
toutes les chansons par cœur (même si je suis toujours aussi
incapable de suivre le rythme de printemps-été). Je me souviens de
soirées passées à jouer aux cartes, entre ados, pendant que les
parents étaient ailleurs, ou peut-être là, mais complètement
inintéressants à nos yeux, durant lesquelles on mettait la cassette
en bruit de fond, avec les retournements obligatoires qu'imposaient
ce genre d'écoute, à l'époque.Je suis revenue à Montréal, sans
l'album puisqu'il appartenait à une autre famille de la mienne, mais
sans le détester non plus.
J'ai
rapidement compris, après coup, que les fans dudit Jean Leloup, sont
généralement finis. J'ai assez bien vécu la cohabitation durant
mes années collégiales, mais j'ai frappé mon mur à l'université.
Dans le local des étudiants en histoire, il y avait ce mec qui le
squattait pratiquement. Du haut de son ancienneté dans les lieux, il
s'était arrogé le droit de nous imposer la musique de l'endroit. Et
ses choix se portaient irrémédiablement vers Leloup. Pendant les
cinq années durant lesquelles j'ai fréquenté ce local, il me
semble que seul Jean Leloup avait droit de cité. Assez pour que je
développe une quasi allergie à cet effet.
Je
suis incapable d'écouter les albums post 1996, Le Dôme,
en premier lieu. Je reconnais le talent de l'artiste, je reconnais sa
pérennité dans le paysage québécois, sauf que tous mes poils se
hérissent lorsque j'entends sa voix. Rien à faire. Et il est très
prisé à la radio de la librairie dans laquelle je travaille. Je
dois donc l'endurer souvent, surtout quant un nouvel opus nous est
offert.
Ce
qui fait que ça fait presque vingt ans que je promène ma mauvaise
foi concernant ce chanteur en particulier. Et des mauvaises foi, j'en
ai des tonnes.
Lundi,
j'essayais de tuer le temps entre deux orages ( j'haïs les orages)
et je me suis mise à faire du ménage. Je n'avais pas de liste de
lecture inspirante alors je me suis rabattue sur la radio qui jouait
une émission que je n'aime pas particulièrement. Mais bon, un bruit
de fond est un bruit de fond quand on lave une salle de bain. Bref...
L'invité
de ladite émission était Alexandre Désilets, celui qui m'a fait
recommencer à écrire l'automne dernier. Celui don la voix me charme
et m'interpelle. Celui dont je parle trop souvent. Et il a eu l'idée
saugrenue d'interpréter une chanson de Jean Leloup, parce qu'on lui
avait commander une chanson qui représentait l'été, pour lui.
Il ne
pouvait pas y avoir plus grande dichotomie, pour moi.
L'un
dans l'autre, c'était bon.
Depuis ma foi ne sait
plus trop où donner de la tête... et moi non plus.
Libellés : Digressions