La solitude et moi
Lors de ma première
vraie séparation, j'étais encore très jeune et bien entendue,
j'étais convaincue qu'il n'y avait plus aucun espoir pour moi. Je
suis une romantique finie et j'avais rêvé toute mon adolescence
d'un seul grand amour qui durerait ma vie entière. Quand la réalité
m'a rattrapée, me suis largement complu dans mon drame. Ça me
donnait une certaine importance à mes propres yeux. Et j'avais beau
rôle; j'étais celle qu'on avait quittée, je pouvais donc
bénéficier d'oreilles attentives et d'une certaine compassion.
M'enfin, jusqu'à un
certain point. Il a bien fallut que je m'en remette ne serait-ce que
pour continuer à avoir une vie sociale, parce que, soyons honnêtes,
une fille qui ne fait que se plaindre qu'elle s'est fait abandonner
sans changer de registre ni de chanson, a de bonnes chances de tomber
sur les nerfs de tous ceux qui l'entourent. En fait, ce que je
trouvais le pire, à l'époque, était d'habiter toute seule dans le
grand appartement que nous avions loué à deux. Je n'étais pas du
tout habituée à une telle solitude. En tant qu'aînée de famille
nombreuse j'avais plutôt coutume d'être largement entourée, en
tout temps.
Oh, j'avais bien passé
quelques fins de semaines, seule dans la maison d'Ahuntsic, mais je
connaissais tous les voisins et m'y sentais particulièrement en
sécurité, même si j'ai souvenance d'une nuit de frousse causée
par le chat de ma sœur qui s'était mis à marcher sur les touches
du piano à des heures indues. Mais une fois la cause du vacarme
localisé, je m'étais rendormie sans trop de peine, avec en poche,
une anecdote savoureuse à raconter.
Sauf que lorsque
j'habitais l'appartement sus-mentionné, les voisins m'étaient
étrangers et la ville aussi, largement, puisque je n'y habitais que
depuis quelques mois, un an peut-être. Et il y avait devant chez-moi
une maison de chambre généralement sans histoire, mais pas tout le
temps. Un soir, assez tard, un des locataire a pris sur lui de lancer
le mobilier de sa chambre par sa fenêtre en écoutant du AC/DC à
pleine tête. Dire que j'avais peur tient de l'euphémisme. Je me
rappelle encore, comme si c'était hier, de la boule d'angoisse qui
m'habitait. Malgré la chaleur, j'avais fermé à double tours portes
et fenêtres et je m'étais lovée dans le noir à un poste
d'observation où je pouvais suivre le déroulement des événements
sans être vue. Les policiers étaient arrivés bien rapidement et
avaient promptement calmé le jeu, emmenant avec eux le locataire
bruyant. J'avais bien mal dormi au cours des jours suivants et je
m'étais empressée de me trouver une colocataire et un autre
appartement.
Il y a donc bien
longtemps que je sais que je suis une bête bien grégaire. J'ai
essayé, plus tard, d'habiter seule, et j'en étais profondément
malheureuse. Pas tant parce que j'ai besoin d'être entertainée
à toute heure du jour, mais je dors toujours mieux lorsque je sens
une présence humaine dans mon environnement. Je choisi donc rarement
de faire quelque chose qui m'obligera à ce type d'isolement.
Sauf
que je n'y échapperai pas d'ici quelques jours. Parce que, je pars à
Cuba, toute seule. J'ai une trouille de tous les noms à cette seule
idée. Je dois prendre plusieurs grandes respirations par jour, pour
me calmer les nefs et me dire que plein de filles ont très bien
survécu à ce genre d'expérience. Mais rien n'y fait, j'ai peur.
De
quoi? Je ne sais pas trop, c'est assez confus. Il est trop tard pour
que je recule, le voyage est payé depuis longtemps déjà.
J'essaie
très fort de me dire que je ne peux qu'en revenir grandie, mais en
attendant, j'ai le sentiment de dormir toute les nuits avec ma peur
et de ne pas me reposer tant que ça.
Comme
si ce voyage à Cuba était mon Everest à moi.
Libellés : Digressions, Maudite angoisse