dimanche, août 30, 2015

Le suivant

C'était une belle matinée d'automne, j'avais neuf ans et demi, mes frère sept et quatre ans. À notre réveil, maman était assise à la place habituelle de papa à la table de la cuisine. Elle avait l'air épuisé, mais serein. Son ventre distendu par la grossesse n'était pas complètement camouflé par sa robe-de-chambre bleu foncé. Elle nous a dit que la sage-femme était en route, que le bébé arrivait et qu'à notre retour de l'école, nous serions désormais quatre enfants dans la maisonnée.

Je n'ai absolument aucun souvenir de cette matinée. Tout ce dont je me rappelle c'est que papa était venu nous chercher à la pause du dîner. Je lui avais demandé, anxieuse, si j'avais une sœur, parce qu'ayant déjà deux frères, je rêvais depuis que l'arrondi du bedon maternel se faisait voir, que j'aurais enfin une sœur. Papa n'a pas voulu me répondre et j'ai dû ronger mon frein pendant ce qui m'a paru comme une éternité.

Arrivés à la maison, j'ai eu l'impression que ça sentait le bonheur. C'est très difficile à expliquer, mais il y avait quelque chose dans l'atmosphère qui respirait bon. La sage-femme était toujours à la maison, nous la connaissions tous et étions ravis de la voir et elle eu tôt fait de nous donner la permission de marcher doucement jusqu'à la chambre parentale afin de voir maman et le bébé. À la seconde où j'ai mis un pied dans la chambre, j'ai su que c'était une fille. Pas tellement parce que le bambin chiffonné avait l'air d'une fille, mais surtout à cause du regard entendu que m'a coulé maman avant que j'ai eu le temps d'avancer bien loin.

Mon cœur s'était élargi jusqu'à plus ne pouvoir se contenter de tenir dans ma poitrine devant cette enfant qui était mon bébé sœur. Je l'ai immédiatement aimée. Même si j'ai eu maille à partir avec mon identité de fille de la famille, durant quelque temps, par la suite. Je ne sais pas trop combien de temps en fait, mais je me rappelle comme si c'était hier avoir rêvé plusieurs fois qu'un monsieur particulièrement repoussant venait me chercher et que mes parents me donnaient à lui en m'expliquant qu'ils n'avaient de place que pour une seule fille dans leurs vies. Il me semble avoir demandé à maman quelle était ma place désormais dans la famille et qu'elle m'avait expliqué, très gravement, que j'avais été son premier enfant et que je garderais cette place toute ma vie dans son cœur, que l'amour d'une mère, ne se divisait pas, mais se multipliait pour accueillir tous ses enfants.

Nous avons grandi jusqu'à devenirs adultes tour à tour. J'ai cru toute mon enfance et mon adolescence que j'aurais une ribambelle d'enfants à un très jeune âge parce que j'ai toujours adoré les bébés. Mais ce n'était pas ce que l'existence avant dans sa manche pour moi, faut croire. J'ai eu un deuil à faire et je l'ai longuement pleuré dans le silence de mon cœur.

Aujourd'hui, c'est ma sœur qui porte en elle, la vie. Elle a déjà la démarche chaloupée des femmes arborant ce ventre grouillant de vie qui les précéde. Nous lui avons fait une fête de maternité hier et elle a été très émue de voir tous les gens qui se sont déplacés pour la féliciter d'entreprendre cette nouvelle étape dans la vie.

C'est aujourd'hui une bien belle jeune femme qui s'est choisi un très bon compagnon de vie. Et je leur souhaite tout le bonheur du monde dans ce qui s'annonce pour eux.

Je sais qu'ils ont tout ce qu'il faut pour réussir.

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