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C'était une belle
matinée d'automne, j'avais neuf ans et demi, mes frère sept et
quatre ans. À notre réveil, maman était assise à la place
habituelle de papa à la table de la cuisine. Elle avait l'air
épuisé, mais serein. Son ventre distendu par la grossesse n'était
pas complètement camouflé par sa robe-de-chambre bleu foncé. Elle
nous a dit que la sage-femme était en route, que le bébé arrivait
et qu'à notre retour de l'école, nous serions désormais quatre
enfants dans la maisonnée.
Je n'ai absolument aucun
souvenir de cette matinée. Tout ce dont je me rappelle c'est que
papa était venu nous chercher à la pause du dîner. Je lui avais
demandé, anxieuse, si j'avais une sœur, parce qu'ayant déjà deux
frères, je rêvais depuis que l'arrondi du bedon maternel se faisait
voir, que j'aurais enfin une sœur. Papa n'a pas voulu me répondre
et j'ai dû ronger mon frein pendant ce qui m'a paru comme une
éternité.
Arrivés à la maison,
j'ai eu l'impression que ça sentait
le bonheur. C'est très difficile à expliquer, mais il y avait
quelque chose dans l'atmosphère qui respirait bon. La sage-femme
était toujours à la maison, nous la connaissions tous et étions
ravis de la voir et elle eu tôt fait de nous donner la permission de
marcher doucement jusqu'à la chambre parentale afin de voir maman et
le bébé. À la seconde où j'ai mis un pied dans la chambre, j'ai
su que c'était une fille. Pas tellement parce que le bambin
chiffonné avait l'air d'une fille, mais surtout à cause du regard
entendu que m'a coulé maman avant que j'ai eu le temps d'avancer
bien loin.
Mon
cœur s'était élargi jusqu'à plus ne pouvoir se contenter de tenir
dans ma poitrine devant cette enfant qui était mon bébé sœur. Je
l'ai immédiatement aimée. Même si j'ai eu maille à partir avec
mon identité de fille de la famille, durant quelque temps, par la
suite. Je ne sais pas trop combien de temps en fait, mais je me
rappelle comme si c'était hier avoir rêvé plusieurs fois qu'un
monsieur particulièrement repoussant venait me chercher et que mes
parents me donnaient à lui en m'expliquant qu'ils n'avaient de place
que pour une seule fille dans leurs vies. Il me semble avoir demandé
à maman quelle était ma place désormais dans la famille et qu'elle
m'avait expliqué, très gravement, que j'avais été son premier
enfant et que je garderais cette place toute ma vie dans son cœur,
que l'amour d'une mère, ne se divisait pas, mais se multipliait pour
accueillir tous ses enfants.
Nous
avons grandi jusqu'à devenirs adultes tour à tour. J'ai cru toute
mon enfance et mon adolescence que j'aurais une ribambelle d'enfants
à un très jeune âge parce que j'ai toujours adoré les bébés.
Mais ce n'était pas ce que l'existence avant dans sa manche pour
moi, faut croire. J'ai eu un deuil à faire et je l'ai longuement
pleuré dans le silence de mon cœur.
Aujourd'hui,
c'est ma sœur qui porte en elle, la vie. Elle a déjà la démarche
chaloupée des femmes arborant ce ventre grouillant de vie qui les
précéde. Nous lui avons fait une fête de maternité hier et elle a
été très émue de voir tous les gens qui se sont déplacés pour
la féliciter d'entreprendre cette nouvelle étape dans la vie.
C'est
aujourd'hui une bien belle jeune femme qui s'est choisi un très bon
compagnon de vie. Et je leur souhaite tout le bonheur du monde dans
ce qui s'annonce pour eux.
Je
sais qu'ils ont tout ce qu'il faut pour réussir.
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